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Jeanne ou St Maurice ?Les secrets de Jeanne - Questionnements & hypothèses

Le retable

Un correspondant allemand nous fait parvenir des photos du volet de droite d’un retable peint dans le premier quart du XVe siècle.

Il nous joint le compte rendu établi par un organisme certifié (Académie d’Etat des Beaux-arts de Stuttgart), attestant de l'authenticité de l'œuvre, après analyse minutieuse de la composition des peintures employées.

Le retable, vue d'ensemble

Ce retable a malheureusement (et très curieusement ?) été débité en plusieurs morceaux et vendu aux enchères, ce qui fait que les diverses photos que nous mettons en ligne sont de qualité inégale. La société de vente aux enchères décrit en 1997 une des parties de l’œuvre (la partie haute, vue ci-dessous) ainsi : maître du sud de la France, autour de 1420, paysage avec bergers et une troupe de soldats, huile sur bois (parqueté),de 49,5cm par 87cm,

Et ajoute que  "Non seulement l’origine géographique, mais également le contenu et l’iconographie sont difficiles à interpréter…"

Vue de la partie haute

M. Walter Schott, le découvreur, s’est livré à une première analyse de l’œuvre, rédigée sous forme de rapport en 1998, transmis aussitôt au Centre Jeanne d’Arc d’Orléans.

La réponse de Mr Olivier Bouzy, un des dirigeants de ce centre, ne prête qu’à sourire, quand il décrit par exemple l’étendard, avec "l’accumulation de motifs qui ne sont pas de façon certaine des fleurs de lys », et ressort son inoxydable St Maurice en lieu et place de Jeanne…

Or, on constate que chacune des dites fleurs de lys doit mesurer environ 2 mm sur le tableau, c’est dire si le peintre a pu y mettre du détail, et on doit se souvenir que l’inusable St Maurice est d’ordinaire représenté sous les traits d’un légionnaire noir et barbu !

On doit également se remémorer cette tête casquée en pierre polychromée retrouvée autrefois dans les ruines d'une église d'Orléans, identifiée aussitôt comme celle de notre héroïne... Plus tard, après que des anthropologues de la police allemande ont établi de façon scientifique que c'était la même femme qui avait posé pour cette sculpture et pour le portrait de Jaulny, on ne sait par quelle grâce la tête est soudain devenue celle de Saint Maurice...

La tête casquée d'Orléans, autrefois Jeanne, maintenant St Maurice !

Mais chose absolument étonnante, en plus d'être blond et imberbe, il est maintenant sur le retable doté d'une forte poitrine... Mais poursuivons l'analyse...

En agrandissant au maximum le cliché, il nous semble néanmoins que le peintre y a fait figurer des fleurs de lys !

L'étude de Monsieur Walter Schott de Stuttgart

Le texte de cette étude étant rédigé sur trente pages en allemand, il nous a semblé préférable de n’afficher ci-dessous que le résumé, rédigé en français, par le même auteur.

Nous livrons maintenant notre première analyse de cet objet, étant bien entendu qu'il ne s'agit que d'un premier jet qui pourra être corrigé par la suite ! nous attendons les avis de nos lecteurs...

La ville fortifiée dans le coin haut gauche nous semble être Jérusalem, du fait de la présence de "bulbes" dorés sur certaines toitures ; Orléans est d’habitude représentée au-delà de la Loire, et à plat, alors qu’ici, on peut s’apercevoir du relief de ce paysage.

Ci-dessus, une vue médiévale de Jerusalem. On aperçoit les clochers à bulbe...

La colline située sur la droite du volet ne nous donne pour l’instant aucune réponse ! le personnage avec le chien tient en main un curieux instrument dont il nous semble qu’il ne fait pas partie de l’attirail habituel des bergers. Il tourne d’ailleurs le dos à ce qui pourrait être son troupeau.
Une hypothèse toutefois : l'homme qui s'appuie sur sa massue serait le Dagda de la Mythologie celte...

La procession dans le vallon n'apporte pas de remarques particulières, hormis le fait que le personnage vêtu de rouge ne nous semble pas être Charles VII, mais plutôt René d'Anjou, conversant avec sa mère Yolande.

Les deux personnages à cheval échangeant le bâton de commandement pourraient pour celui vêtu de rouge, être toujours René, et pour le personnage barbu qui lui transmet le bâton, on peut envisager qu'il s'agit là de Godefroy de Bouillon ! le nouveau roi de Jérusalem recevant la transmission de pouvoir du premier roi…

La colline située sur la gauche du volet pourrait représenter le "mont des oliviers", mais sans aucune certitude de notre part. L’homme assis jouant de la cornemuse devant le chien qui donne la patte doit avoir une signification particulière, mais laquelle ?

Une de nos lectrices nous signale que des arbres sont coupés dans le petit bois, ce qui pourrait avoir trait à l'activité des "Bons Cousins Charbonniers", chers au cœur de la Pucelle...

Par contre, le petit bâtiment représentant une sorte de chapelle munie d'un clocher, et couverte de tuiles de couleurs évoque plusieurs hypothèses pour nous, surtout à cause du flot de liquide (du sang?) qui semble s'écouler par sa porte !

On pourrait y voir :

  • Une église bâtie sur le Mont des Oliviers, et le sang représenter celui de Jésus, pleurant, selon la Bible, des larmes de sang.
  • Le Temple, symbole de l'ordre des Pauvres chevaliers du Christ, fondé à Jérusalem, et détruit en France par Philippe le Bel : le flot de sang évoquant ainsi le massacre des templiers.
  • Le symbole d'une défloration, le sang s'écoulant après un premier rapport ?
  • Après la conquête de Jérusalem le 15 juillet 1099 par les croisés, Godefroi VI le Pieux, duc de Bouillon, ordonna l'édification de l'abbaye de Notre-Dame (ou Sainte-Marie) du Mont-de-Sion, sur les ruines d'une ancienne église byzantine située en dehors des murs de la ville, au sud de la porte de Sion. Cette abbaye abritait des chanoines augustiniens, qui servaient de conseillers à Godefroi.
  • Enfin, selon l'hypothèse fournie par un lecteur, ce pourrait être la Chapelle de Bermont qui serait symboliquement représentée ici, lieu rappelons-le près duquel Jeanne aurait trouvé la mort...
  • Mais la réalité semble tout autre...Le liquide en question serait l'huile qui ne cesse de s'écouler des ossements de Sainte Catherine, dont la sépulture se trouvait dans le monastère de Sainte Catherine du Sinaï. On sait le rôle que cette vierge et martyre a tenu dans la saga de Jeanne...

L'arbre dans le petit enclos carré semble bien plus évident à l'initié ! il s'agit pour nous de l'orme symbolisant à l'origine le Temple... L'Orme a été abattu en 1188, marquant ainsi symboliquement la séparation de l'Ordre en deux entités distinctes... L'une militaire et l'autre plus politique. On le retrouve de nouveau ici, en parfaite santé, mais néanmoins marqué par les événements antérieurs : le tronc part du sol en deux parties, qui se rejoignent ensuite, pour donner une vigoureuse ramure.
On peut remarquer en outre qu'il est situé au centre de l'espace déterminé par le sceptre et l'épée...

Le personnage au premier plan est bien évidement Melchior, le roi mage qui apporte l’or royal, et qu’il offre a un personnage figurant sur le volet central du retable, vraisemblablement une "vierge" à l’enfant, pour nous Marie Madeleine et sa progéniture !

Les deux personnages derrière le mage sont bien sûr les plus importants du tableau ! pour nous pas de doute, l’homme est René, fils de Yolande d’Anjou, qui vient de recevoir des mains de Godefroi de Bouillon le bâton de commandement, faisant de lui le roi titulaire de Jérusalem…

Et le personnage de droite, la femme en habits masculins, est Jeanne la Pucelle.

On peut remarquer qu’une épée pend à son côté, tandis qu’elle en arbore une autre qu’elle porte  appuyée sur son épaule !

Cette dernière, l’épée de Fierbois, étant le symbole de son appartenance à l’Ordre du Temple, et détenue autrefois par Bertrand Du Guesclin… C'est cette arme symbolique que le Connétable avait léguée à Louis d'Orléans, et que Jeanne enverra chercher en l'église Sainte Catherine de Fierbois.

Ce symbole est tenu de la main gauche, et porté sur l'épaule gauche... ce qui est parlant aux initiés.
Mais on voit une autre arme à la ceinture de Jeanne. Au vu de la poignée, on peut identifier un "messer" .

Le "Messer" que l'on peut distinguer à la ceinture de Jeanne.

On peut s’apercevoir également de la très forte poitrine de Jeanne, inhabituelle sur un tableau de cette époque...

Mais le geste qui est pour nous le plus significatif est celui qui consiste à écarter le ceinturon, pour soulager un ventre présentant déjà des signes avancés de grossesse…

Voir l'article sur la descendance de Jeanne

On doit noter aussi le muguet fleurissant entre les jambes de l’héroïne, symbolisant bien évidement le nouvel an celte…le renouveau de la nature !

Cette "touffe"  placée précisément à cet endroit fait bien sûr penser elle aussi à un renouveau, l'arrivée prochaine de l'héritier, l'enfant Roi symbole de la réunion achevée de ces deux lignées  ... L'enfant à venir de Jeanne et  de René !

Un de nos lecteurs nous signale que les Anglais continuent à désigner le Muguet par le vocable de Lily of the Valley.... qui signifie "le Lys de la Vallée" , terme qui se passe de commentaires....

Un autre lecteur nous fait parvenir un article d'un érudit local, Roger Haution, concernant la maison de Braine  dans laquelle Jeanne accoucha de sa fille, et pour lequel l'auteur précise:

Elle (cette bâtisse) a porté sans aucun doute le nom de maison de "l' Ecu de France" à cause d'un blason encore existant mais martelé qui surmonte sa porte cochère. Elle figure dans divers actes du XVIe siècle sous le nom de la "Maison de la Fleur de Lis" probablement pour la même raison et peut être à cause du passage de Jeanne d'Arc, du Roi et de leur suite...

On constate par ailleurs que sur le sol sont représentées plusieurs marguerites. Marguerite, qui joua un grand rôle dans la vie de Jeanne est la sainte qui intercède lors d'une grossesse, celle qui permet un accouchement sans problème !

Et les initiés auront bien sûr également remarqué la jambe gauche avancée de la Pucelle... Ainsi que sa tête penchée vers l'épaule droite, une position quelque peu "christique..."

Il était courant en ce temps là de représenter Jésus en croix avec la tête basculée vers la droite ! ce n'est que plus tard que l'on s'apercevra que la position naturelle d'un mort est d'avoir la tête tombant vers l'avant sur la poitrine et non sur le côté !

En agrandissant la photo, on constate que Jeanne va tête nue, cheveux au vent tenue incongrue à cette époque, mais néanmoins constituant la représentation habituelle de Marie Madeleine ! le peintre aurait donc délibérément cherché à identifier Jeanne à la Magdaléenne, d'autant plus qu'il semble avoir coloré en roux les cheveux de notre héroïne. Il est à noter la ressemblance de cette coupe de cheveux avec celle que Jeanne arbore sur le Retable de L'Agneau Mystique de la cathédrale St Bavon de Gand.

Si l'on veut résumer en quelques mots notre impression quant à ce tableau, est que l'on a là le cortège des noces (alchimiques ?) de René d'Anjou, Roi de Jérusalem, symbole vivant d'une lignée disparue, (les Mérovingiens, descendants de Dieu lui-même à travers Marie Madeleine et le Saint Graal) , et de Jeanne la Pucelle d'Orléans, dignitaire du Temple.

Le volet central du retable devait représenter Marie Madeleine, portant sur ses genoux son enfant ! Nous nous devons de rappeler ici à nos lecteurs la "bannière d'Orléans", qui fait l'objet d'un autre article.

L'avis d'un spécialiste du Moyen-âge:

Concernant la signification du berger qui joue du biniou ?
Les imagiers du moyen âge aimaient à narrer des histoires en utilisant des codes qui n’étaient pas forcement compréhensibles par le commun des mortels. Ici aussi, il y a en quelque sorte « enquère ». Nous verrons plus loin l’importance de ce personnage.
Le bâtiment à gauche est d’évidence une église. Quelque chose coule sur ses marches.
Du sang ? De qui ?
Le joueur de biniou fait penser, bien entendu, au joueur de flûte menant les rats de Hamelin à leur destruction. (XIIIème siècle, donc alors connu) La musique, fait sans doute référence à la musique des mots, qui endort et qui trompe. Associée à l’église, elle prend le sens de bonne parole trompeuse, du sens perfide que peut prendre les voies du temple pour arriver à ses fins.
Le chien devant le joueur de biniou est le symbole de la fidélité. Il tend la patte et reconnaît donc son maître. Il a les oreilles basses, ce qui sous entend la soumission. Il ne porte cependant pas de collier. La présence d’un collier (en héraldique) aurait signifié qu’il était bridé, tenu par quelqu’un. Il écoute donc et suit donc la musique (trompeuse) sans contrainte.
Le troupeau est ici de bovidés.
Il aurait pu être de moutons, mais ce n’est pas le cas.
Le mouton peut-être confondu avec l’agneau, dont le symbole est totalement christique. En représentant des bovidés, l’artiste a voulu nous détourner de ce sens. Néanmoins l’aspect troupeau demeure et celui-ci vient vers le musicien et se couche devant lui. Il rameute donc les foules à se plier à sa musique.
Voilà pour la symbolique.
Je ne pense pas être très loin du sens qu’a voulu y mettre le peintre. Néanmoins, il reste à savoir ce qu’il a voulu exactement dire. N’oublions pas que dans ce genre de peinture narrative c’est la somme de toutes les petites scènes qui prennent un sens à la lumière les unes des autres.

Continuons donc notre lecture.

Pour l’épée verticale, je penche pour celle de Fierbois !
Il est possible (fort possible même) que l’arme que Jeanne porte sur l’épaule soit bien l’épée (miraculeuse) de Fierbois. Un détail me surprend néanmoins. Elle est représentée dans son fourreau ! Encore une fois, il y a enquère.
En héraldique, une épée représentée pointant vers le haut est fière et guerrière (phallus). Si au contraire elle l’était vers le bas elle serait « rendue ». Le chevalier qui se reconnaît vaincu offre son arme au vainqueur en signe de soumission. Il s’agenouille et la lui tend alors poignée vers le haut. Il s’agit donc ici bien d’une épée vainqueur.
Le fait qu’elle soit au fourreau semble signifier que Jeanne n’a guère la nécessité, le besoin ou l’envie de s’en servir. De toute façon, elle en porte une seconde au côté. On ne brandit (à lame nue) une épée sacrée (Fierbois) que pour mener une croisade, comme Jeanne le fit contre les Godons.
Ici, nul besoin de le faire. Elle est néanmoins représentée comme porteuse de la dite épée sacrée. C’est comme si le triptyque faisait référence à un épisode plus récent de son existence, survenu après sa guerre contre les anglais.
N’en tirons pas trop vite de conclusions.
On pourrait penser à l’une des aventures guerrières survenues hors France à Jeanne des Armoises. Et la représenter avec l’épée de Fierbois accréditerait que les deux Jeanne (celle d’Arc et celle des Armoises) sont bel et bien la même personne. Mais dans l’hypothèse ou Jeanne des Armoises ne serait qu’une imitatrice, n’oublions pas qu’elle aurait fait tout pour qu’on la confonde avec l’authentique. Elle ne se serait donc pas privée de raconter à merci tout ce qu’elle savait du personnage qu’elle copiait en s’en attribuant le mérite. N’importe qui à l’époque a pu en être abusé. N’oublions pas les foules qui la reconnurent à Orléans et ailleurs.
Pourquoi un peintre étranger ne l’aurait-il pas été alors ?
Prudence donc …
Quant à la datation et l’origine, je suis tout à fait d’accord !
Je penche pour un peintre du genre Van Eyck, protégé de René d’Anjou. Mon confrère et ami, M.de B. sera sans aucun doute plus qualifié que moi pour donner un avis à ce sujet. Il a récemment écrit un ouvrage sur le vol de l’agneau mystique et a donc une longue et profonde connaissance du sujet.
Je lui soumets la question.
Les arrières plans me semblent un peu trop naïf pour être des frères Van Eyck. Néanmoins on pourrait penser à un maître moins prestigieux de l’époque ou même à un élève des Van Eyck.
Mais peut être avez-vous la solution : les deux personnages tiennent leurs attributs, sceptres et épée, de la main gauche !
Pourquoi ?
Le personnage de gauche, en bas de cuve sombre, a les cheveux rondis (la fameuse coupe dite « au bol »). Il s’agit donc d’un guerrier ou d’une personne à vertu militaire. Il pose la main droite sur son cœur, comme on le fait pour un serment. Ceci sous-entend que dans la situation où il est représenté, il ne saurait mentir. Sa vertu est donc la sincérité, ou encore la piété. De la main gauche, il porte un sceptre. L’objet est un symbole extrêmement clair de sa royauté ou de son appartenance à une lignée royale.
C’est la main gauche qui intrigue et qui est signifiante.
D’autant que les deux personnages agissent de même.
Hors, le fourreau de Jeanne, garni d’une autre épée, est porté à gauche de sa ceinture d’armes ce qui implique qu’elle est droitière. Pourquoi cette double « senestrose » ? Il peut y avoir plusieurs explications à cette nouvelle enquère. J’en propose deux. Elles valent que qu’elles valent. Ne rejetez les cependant pas trop vite, sous prétexte qu’elles n’arrangent pas forcement vos hypothèses.
D’abord l’hypothèse la plus hardie. En magie, toute manipulation se fait toujours de la main gauche. Ainsi on se signe (du signe de l’étoile) de cette main. La magie au moyen âge est bien évidement vue comme le fait du Diable, donc l’ennemi de Dieu. Un sceptre et une épée sacrée, tenue de la main gauche, prennent des significations très particulières. Cela pourrait vouloir dire à mots couverts, que le royaume que représente ce porteur de sceptre n’est plus dans la main de Dieu, qu’il se voue au Diable. De même que l’épée de Fierbois n’est plus dans les mains d’une personne sainte, mais bien dans celles d’une adepte du Diable.
Il faut se souvenir pour nuancer tout ça qu’à l’époque on était vite une créature du Diable vouée aux Enfers.
Une autre explication serait que ces deux personnages détiennent leur pouvoir « par la main gauche », c'est-à-dire par la descendance des femmes. Nous n’avons pas de certitudes quant à la personnalité de l’homme. Il est donc impossible de lui appliquer ce raisonnement.

Dans notre analyse, le personnage masculin est René d'Anjou, qui effectivement tient son titre de Roi titulaire de Jérusalem de sa mère, Yolande.

Par contre, si la figure féminine représente bien Jeanne (la Pucelle de France), on peut aisément imaginer, en suivant l’hypothèse qu’elle est une bâtarde de la maison royale, qu’elle ait accédé à l’épée sacrée parce que de descendance royale par sa mère Isabeau de Bavière, la reine de France.
Je le répète, ces deux hypothèses valent ce qu’elles valent et aucun argument ne vient les recouper pour les étayer.

D’autres éléments m’intéressent plus.
L’arbre par exemple.
On le voit deux fois, de même que les gardiens de troupeaux. Dans le fond de l’image, donc dans le passé, l’arbre à double racine à des branches mortes. Il ne semble pas aller très bien. Celui qui se trouve plus à l’avant plan, est quant à lui épanoui et protégé par une barrière (nulle doute que celle-ci ait un sens symbolique, hermétique). J’y vois la fin du schisme de l’église catholique d’occident. (juillet 1415) Les deux racines se rejoignent enfin et l’arbre, à nouveau réuni va mieux.
Le gardien de troupeau près du premier arbre et armé d’une masse d’arme, symbolise probablement un Pape guerrier, probablement Grégoire XII (Il faudrait revoir l’histoire du schisme). Il y eut deux, puis trois Papes régnant en même temps.
Grégoire XII, si je me souviens bien, a pas mal bataillé en Italie et je crois que notre bonne Jeanne des Armoises a été liée à sa personne en temps que chef de guerre. Mais je peux me tromper.
Là, il y a bien des moutons (plus près des vrais chrétiens que les bovidés du joueur de biniou, qui doit être le Pape d’Avignon), mais leur pasteur, s’il prie (il semble joindre les mains vers le ciel, mais la qualité du cliché rend la chose incertaine), leur tourne aussi le dos. Il est vêtu de rouge, couleur symbolique des grandes passions, haine et amour. Son chien à lui est tenu en laisse et porte un fort collier, ce qui dit son insoumission, mais aussi la férule qui lui est imposée. Il semble pourtant, oreilles dressées, scruter très attentivement l’horizon vers l’est, vers l’orient.
L’expédition militaire entre les vallons (dans un pays vallonné, de montagne, l’Italie ?) Pas de doutes possibles, il s’agit de soldats et à part l’homme en rouge et son accompagnateur portant turban ( ?) avec qui il s’entretient, ils tous portent le harnois blanc. On peut donc dire qu’il s’agit plutôt de chevaliers, de seigneurs. L’homme en rouge porte un vêtement de tissu. Il n’est pas militaire, ou alors seulement occasionnellement. Il arbore néanmoins fièrement sur la tête une salade nantie d’un imposant plumet. Dans les codes militaires de l’époque ceci le désigne comme étant le chef, l’officier dirigeant cette troupe.
Son vêtement rouge n’est pas choisi par hasard. Il fait référence à notre bon Grégoire XII. Sans doute est-ce le même personnage (voir les lisières du vêtement). Donc un Pape mène une troupe en pays de montagne. A ses côtés chevauche un personnage au visage avenant et pour cause, c’est notre Jeanne. La bannière de France signale son identité. A l’époque la bannière de Jeanne, faisant partie de sa très jeune légende, était célèbre, même si personne ne savait à quoi elle ressemblait vraiment. Il a donc été normal à l’artiste de la représenter portant les couleurs de France.
Jeanne en Italie à la tête d’une troupe combattant pour un Pape guerrier, ça pourrait coller admirablement, non ? Le personnage en turban est plus mystérieux. C’est sans doute d’ailleurs ce que veut faire ressentir l’artiste. Le côté conciliabule et l’aspect inquiétant du personnage le rendent suspect. Sans doute ceci fait-il référence à une péripétie particulière de cette aventure militaire. Ca fait en tout cas fortement penser à un guide local, à la fidélité discutable, révélant un raccourci ou une route secrète en montagne.
Qui dit mieux ? Devant eux, donc plus tard dans le temps, on voit deux cavaliers en vêtements civils émerger de la montagne pour venir vers nous, le dénouement. On retrouve notre personnage en rouge, le Pape guerrier, Grégoire XII. Il porte de riches vêtements. Il tient à la main un bâton de commandement qu’il remet à l’autre cavalier, à la tignasse et à la barbe blanche.
Celui-ci porte un chapeau de route d’ecclésiastique et une espèce de Bure. Je l’identifie par le geste que pose Grégoire II comme étant Martin V, le gagnant des élections et nouveau Pape de la foi catholique enfin réunie. C’est également lui que nous voyons en grand avant plan, probablement en adoration devant une vierge à l’enfant à qui il offre de l’or, à défaut de mire et d’encens et la couronne de roi des cieux pour faire bonne mesure.
Plusieurs conclusions s’imposent : Notre joueur de biniou gardant des bovidés (de nos jours on dirait des veaux) n’est sans doute autre que Jean XXIII. Il est démis par le concile de Constance en 1415. En cherchant dans son histoire on devrait trouver ce que signifie le sang coulant de son église. Le triptyque, en tout cas la partie que nous connaissons semble être dédié au règlement du grand schisme d’occident. Si Jeanne y figure, c’est probablement par une volonté de l’artiste d’en augmenter la charge de merveilleux. Jeanne, figure mythique ajoutant ainsi sa propre aura dans le poids d’une aventure de la foi pas trop reluisante.
Le dernier personnage non identifié et portant sceptre, comme Jeanne assiste au triomphe de Martin V. On l’a vu, ce n’est pas Jeanne qui a mise ce Pape sur son trône. Néanmoins pour des raison exprimées ci-dessus elle est mise en avant (juste derrière le Pape, au rang d’héroïne de la chrétienté) de façon ostentatoire (ce qui date la réalisation de cette œuvre au minimum d’après le procès en réhabilitation). Il y a fort à parier qu’il en est de même pour le personnage énigmatique au sceptre. Il doit être un personnage de famille royale ayant eut un rôle important dans la résolution du schisme, mais pas forcement dans la mise en place du Pape du renouveau. Une lecture attentive de l’affaire devrait nous révéler assez facilement de qui il s’agit.
Un élément continue de m’intriguer.
La mise qu’arbore Jeanne sur cette peinture. Je ne m’avancerai pas sur des terrains aussi glissant que l’un des commentateurs précédents qui voit toute une série de choses qui m’échappent totalement. Comme un bonnet à frange sur sa tête ou un ventre de femme enceinte. Mais bien de choses autrement évidentes. Son accoutrement est des plus étranges pour l’époque.
Jeanne a beau être un personnage hors normes, la singularité vestimentaire était assez mal vue alors.
Analysons un peu …
La tête. Il faudrait bien évidement un document en couleur afin d’en juger définitivement. La pauvre qualité de ce que nous avons sous les yeux ne permet que l’interprétation, mais pour moi, elle est nu tête et porte de part et d’autre de celle-ci ce qui ressemble à des « anglaises » faites à l’aide d’une pince à friser. Et ça m’étonne au plus haut point pour deux raisons. D’abord j’ignorais qu’on travaillait les cheveux de cette manière à cette époque. Ensuite, à part les prostituées, aucune femme ne laissait ses cheveux au vent. C’est acceptable si elle les porte rondis (au bol) comme un soldat et déguisée en homme. Ce ne l’est pas dans le cas présent. Sur le corps elle porte une sorte de huque (une armure légère faite cuir bouilli ou non et rembourrée ou non de filasse ou de crin) garnie de « franges » aux épaules.
Il s’agit des vestiges des anciennes maheutres, ces protections d’épaules que portaient les jacques des soldats de pied. Ces pendants sont ici fait de crin et empêchent d’entamer le vêtement d’un coup de tranchant d’épée. Elle porte une espèce de jupe très courte sans doute faite en pendants de cuir, un peu à la semblance d’une armure de légionnaire romain. Une fente sur le côté (si ce vêtement est bien ce que je pense, il y en a sur tout le pourtour) laisse généreusement voir sa jambe dénudée.
Il faut bien dire que même sans cette fente, sa tenue est des plus sexy. (Oups ! Excusez-moi. J’oubliais que je parlais d’une sainte …)
Il est totalement improbable que notre Jeanne, en un temps aussi prude que la fin du moyen âge, se soit ainsi baladée les fesses au vent. N’oublions pas qu’on parle d’une époque où une bulle vaticane venait d’interdire l’utilisation des boutons parce que considérés comme trop faciles à ouvrir et préconisait à leur place des aiguillettes qu’il fallait nouer. (D’où le nom du mauvais sort qui y fait référence : nouer l’aiguillette, c'est-à-dire rendre impuissant.) On ne rigolait pas alors avec la gaudriole.
La seule explication que je trouve à cette vêture hétéroclite est la volonté de l’artiste de lui donner un air, un rang, d’héroïne épique. Son costume est un phantasme de peintre. Il a peint Jeanne comme il aurait peint Hercule ou Jason. En l’équipant d’attributs la mythifiant. D’ailleurs n’a elle pas des espèces de cnémides lui protégeant les tibias ? En ce qui concerne la poitrine qui est représentée comme volumineuse, nous savons à ce sujet, par l’un de ses écuyers lors du procès en réhabilitation, qu’elle « avait le tétin généreux ».
Ce détail est d’ailleurs souvent utilisé pour démontrer qu’elle était bien femme. Il conviendrait encore de faire une étude poussée des armes présentées dans ce morceau de triptyque de même que du style de la technique picturale qui est utilisée.
De meilleurs documents nous permettraient certainement aussi de pousser plus loin nos investigations et donc de lui faire dire encore bien des choses. Je rappelle que l’actuel résultat de mes recherches n’engage que moi et que de nombreux points restent à creuser afin qu’ils évoluent du stade d’hypothèses à celui de possibles vérités.