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Jeanne ou St Maurice ?Les secrets de Jeanne - Questionnements & hypothèses

Jeanne et ses historiens

Proposé par THEVENIN

L’histoire générale de la Pucelle telle qu’elle nous est transmise aujourd’hui est une histoire pleine de clichés et de mythes qui ne résistent pas à une étude exhaustive.
Des incohérences sont également remarquables entre les idées de la Pucelle et celles que nous connaissons de son époque sur le plan de la sociologie politique ; on se garde bien de révéler ces dernières pour préserver l’image très approximative et déformée que l’on nous livre du personnage.

Pour se rapprocher de la Pucelle, il faut l’étudier dans son environnement de l’époque si on veut la comprendre.

Les historiens sont également responsables de certaines de leurs conceptions qui correspondent plus à leurs propres réflexes politiques, idéologiques ou religieux, plutôt qu’à des faits historiques avérés de l’histoire de la Pucelle.

Le panégyrique de l’abbé Pic dans la cathédrale d’Orléans le 8 mai 1844 mérite d’être cité pour montrer l’état d’esprit d’un admirateur de la Pucelle atteignant son paroxysme dans l’exégèse. Cet abbé a été vicaire de la cathédrale de Chartres et ensuite évêque de Poitiers, c’est dire que c’est une personnalité. Nous le citons :

« C’est une chose admirable et providentielle, l’évènement le plus extraordinaire, le plus surnaturel qui figure dans les annales humaines et en même temps le plus authentique et le plus incontestable. Ce n’est pas seulement la certitude historique, c’est la certitude juridique qui garantit jusqu’aux moindres circonstances de cette vie merveilleuse ».

Avec tout le respect que nous devons à ce dignitaire de l’Eglise, et malgré toute notre admiration pour la Pucelle, nous allons examiner la certitude historique de l’abbé Pic en étudiant les principaux repères que l’histoire nous offre, à savoir :

  • L’évolution de la perception de l’histoire johannique.
  • L’anticléricalisme de Quicherat qui lui fait prendre le parti de la Pucelle contre le juge.
  • Le mythe de l’existence du sentiment national dans l’histoire johannique et ses conséquences jusque dans l’histoire contemporaine.
  • La thèse de la Pucelle défenseur du peuple et d’une doctrine sociale égalitaire.
  • La détermination des origines des missions de la Pucelle.
  • La Pucelle jugée par un tribunal ecclésiastique appelé l’Inquisition.
  • Le procès de réhabilitation de la Pucelle qui introduit la faute des Anglais pour nos historiens.
  • Les sources contestables de la saga de la Pucelle.
  • Les historiens nous enseignant que la Pucelle est Lorraine alors qu’elle est Champenoise.

Nous étudierons également les faits juridiques qui fondent la certitude de l’abbé Pic, les faits judiciaires et de droit constitutionnel qui participent aux actions de la Pucelle, et qui se traduisent par ses idées politiques, constitutionnelles et ses considérations diplomatiques. Nous développons ces idées dans notre article l’Opération Bergère pour compléter notre étude sur l’interprétation des phénomènes historiques liés à la Pucelle par nos historiens.
D’aucuns nous aident en affirmant :

« Hors de la perspective sacrée, l’histoire de Jeanne d’Arc est incompréhensible. Mais dans cette perspective même, et dans la mesure où l’homme de foi ne mettrait pas en doute ce qui relève de la foi, car il ne convient pas d’en prendre et d’en laisser, il faudrait encore se laisser persuader, chose si difficile aujourd’hui, que le Saint Royaume, comme  Jeanne dit de la France, établi jadis en fonction d’une prédestination particulière, et n’ayant pas d’autre légitimité que l’inexplicable plaisir de Dieu, était assez indispensable au plan divin pour qu’il suscite, à l’heure de la grande pitié, un si extraordinaire secours ».

Nous sommes d’accord avec ce qui précède, à savoir qu’hors la perspective sacrée, l’histoire de la Pucelle est incompréhensible, mais nous pensons que pour comprendre aussi, mais d’une autre façon, un travail historique sérieux est nécessaire que nous contribuerons à mener à bien.

Tombée dans l'oubli durant trois siècles, Jeanne d'Arc réapparait après la Révolution pour occuper au XIXe siècle et jusqu'au régime de Vichy, une place centrale dans les débats politiques et idéologiques. 
L’histoire de Jeanne d'Arc présente, entre autres, le schéma intéressant des querelles politiques entre cléricaux et anticléricaux, que l’on peut succinctement entrevoir pour mieux percevoir les dérives de l’historiographie moderne de la Pucelle. En conséquence, des évolutions conceptuelles de l'histoire de notre héroïne sont remarquables :

I. L’évolution de la perception de l’histoire Johannique.

L’évolution de l’histoire de la Pucelle est atypique parce qu’elle ne correspond pas à ce que l’on peut considérer comme la progression naturelle des sciences historiques sur le sujet, en fonction des résultats des recherches nouvelles et actualisées sur le personnage. De plus, de nombreux éléments historiques sont occultés, et de ce fait l’histoire manque aujourd’hui de crédibilité.
De plus cette histoire, qu’il faut bien qualifier " d’officielle " dans le sens où ses partisans refusent toute idée de révisionnisme historique, n’est ni cohérente, ni logique, ni pertinente ; il manque vraisemblablement les explications de l’histoire réelle pour conforter le récit.
Pour les historiens, le révisionnisme est un terme sans connotation particulière, qui désigne une démarche critique consistant à réviser de manière rationnelle des opinions couramment admises en histoire. Il se fonde sur un apport d'informations nouvelles, un réexamen des sources et propose une nouvelle interprétation de l'Histoire.

En matière de soviétologie par exemple, ou au sein du mouvement socialiste, ou encore du mouvement sioniste, le terme de révisionnisme historique est couramment employé.

Nous citons les principaux précurseurs et concepteurs de cette histoire officielle pour montrer que ceux-ci défendent souvent leurs idées personnelles ou leurs projets de société :

- Valérand de La Varanne

C' est un poète français en langue latine (celle-ci fleurissait au début du XVIe siècle) qui fut docteur en théologie de l'Université de Paris. C’est un précurseur, car auteur du " De gestis Johannæ virginis Francæ egregiæ bellatricis libri quattuor versu heroico " ( Paris, Jean de La Porte, 151 6) qui est une histoire de Jeanne d'Arc, de sa naissance à sa mort, en un peu plus de trois mille hexamètres dactyliques formant quatre livres. Il s’agit d’un poème inspiré de la lecture des actes du procès, trouvés dans la bibliothèque de l'abbaye Saint-Victor, avec un ajout d'éléments mythologiques. Un théologien qui s’intéresse à la Pucelle est chose compréhensible et il n'y a rien d’extraordinaire dans ces récits, et pas de quoi déclencher la calculette ésotérique autour de l’abbaye Saint-Victor …

- Guillaume du Bellay ( 1491-1543 )

Guillaume du Bellay

C'est, au XVIe siècle, un historien français qui joint les talents de la littérature à ceux de la guerre et de la diplomatie. C’est le premier qui eut certains aperçus logiques de l’aventure de la Pucelle dans son ouvrage " Instructions sur le fait de la guerre " ( Paru en 1548, Tome Ier, Chap 3 ). Il suppose que Jeanne n’était qu’un instrument passif de l’entourage de Charles, qui serait allé chercher une créature simple, préparée à l’avance, pour la mettre à la tête d’une opération de propagande savamment organisée pour frapper l’imagination des foules. On n’est pas très éloigné des réalités et c’est ce que nous appelons aujourd’hui l’opération " Bergère ".

- Edmond Richer ( 1560-1631 )

Edmond Richer

Il est l’auteur de la première histoire en date de Jeanne d'Arc ( 1625-1630 ) avec son livre " Histoire de la Pucelle d'Orléans ". Il est docteur de la Sorbonne et syndic de la Faculté de théologie de Paris. En relativisant l’autorité du pape, Richer ouvre la voie au courant janséniste. Certains qualifient Richer d’hérétique ou de schismatique, ce qui nous permet une approche synthétique du personnage. On peut comprendre son intérêt pour les idées de la Pucelle condamnée pour hérésie. On se souvient que dans la réponse de la Pucelle à une lettre du Comte d’Armagnac qui lui demande qui est le vrai pape, Jeanne parait remettre en cause la reconnaissance de Martin V par toute la chrétienté et se placer alors au-dessus des papes, ou d’une certaine manière, en dehors de l’autorité de ces derniers !
Cependant pour les juges de Rouen, comme pour l’Université de Paris, l’infaillibilité appartient à l’Eglise en suivant le vote du Concile de Constance du 06 avril 1416 ; a contrario de l’affirmation faite par Martin V le 10 mars 1418 prescrivant une soumission complète au Saint Siège en matière de foi.
Les juges de Rouen se séparent ainsi de la doctrine pontificale devenue la règle depuis mars 1418, ce qui n’enlève rien aux compétences du tribunal d’Inquisition qui a jugé la Pucelle, mais relativise le recours au Pape que fait la Pucelle pendant le procès. Les différentes conceptions en matière d’infaillibilité pontificale renforcent également l’autorité des nombreux prélats et théologiens qui ont participé à la condamnation de la Pucelle car ces derniers étaient certains de leur propre infaillibilité en qualité de représentants attitrés de l’Eglise.

- Clément Charles François de l'Averdy, marquis de Gambais ( 1724 – 1793 )

C' est un magistrat et homme politique français qui est contrôleur général des finances de Louis XV. Conseiller au Parlement de Paris, membre de la première chambre des enquêtes, janséniste notoire, l’Averdy se rend populaire grâce à sa lutte contre les Jésuites. Elu membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres en 1764, après avoir quitté son poste de contrôleur général des finances, il s'occupe à rechercher activement les " originaux " du procès de Jeanne d'Arc et en trouve vingt-huit en 1787, mettant au jour les manuscrits dits « d'Urfé » ( B.N. lat. 8 838 ) et le manuscrit d'Orléans ms. 518 ), inconnus jusqu'alors.
Il publie ses découvertes en 1790 dans le tome 3 des " Notices et extraits des manuscrits du Roy ", publiés par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. En tant que Janséniste, l’Averdy se prononce contre un pouvoir trop puissant du Saint-Siège et on comprend ainsi son intérêt pour la période de la fin du Grand Schisme d’Occident.

- Philippe-Alexandre Le Brun de Charmettes (1785- Après 1830)

Né à Bordeaux en 1785 et mort à une date inconnue, il est un historien, homme de lettres et administrateur français, connu surtout pour son " Histoire de Jeanne d'Arc ". Ce récit est tiré des déclarations de la Pucelle, de cent quarante-quatre dépositions de témoins oculaires, et des manuscrits de la Bibliothèque du roi et de la Tour de Londres en quatre volumes.
En 1810, Le Brun trouve un emploi au Conseil d’État, poste dont il démissionne un an plus tard faute de pouvoir s'entendre avec le ministre de l'Intérieur, Regnaud de Saint-Jean d'Angély. Alors qu'il met la dernière main à son " poème national ", il décide d'en précéder la publication par celle d'une " Histoire de Jeanne d'Arc ", laquelle ne paraît finalement qu'après les Cent-Jours, et après sa nomination à Saint-Calais comme sous-préfet de la Sarthe. Cet ouvrage, qui réhabilite l'image de la Pucelle après plusieurs siècles de disgrâce, connaît aussitôt un large succès. En 1820, il passe de la sous-préfecture de Saint-Calais à celle de Coulommiers en Seine et Marne. Il devient ensuite préfet de la Haute-Saône en 1830, poste dont il démissionne lors de la Révolution de Juillet. Son œuvre va être publiée en 1817 soit 24 ans avant que Quicherat ne publie son premier volume sur les Procès de Jeanne d'Arc.
Fruit d'une longue étude des documents authentiques, il est réellement le premier ouvrage synthétique sur Jeanne d'Arc. Michelet s'en inspirera d'ailleurs très largement sans se donner la même peine de recherche et d'érudition que Le Brun des Charmettes.
Le Brun a été rédacteur en chef de L’Abeille, un journal des intérêts des campagnes d’Eure et Loire et de l’Orne en 1848 et 1849 et rédacteur en décembre 1848 d’une ode au souverain pontife Pie IX. Il mentionne dans son livre la tragédie de Caze, qui n’a jamais été jouée, et semble être passée à peu près inaperçue à l’époque. C’est pour tenter de réfuter l’hypothèse de la filiation royale de la Pucelle que l’auteur publie son ouvrage. La popularité de la Pucelle se développe avec cet auteur catholique militant dont le rôle n’est pas de mettre en évidence les contradictions présentes dans les idées religieuses de la Pucelle mais bien au contraire d’en minimiser les évidentes réalités.

- Jacques Berriat Saint-Prix (1769-1845)

C' est un jurisconsulte et un homme de lettres et l’auteur de l’ouvrage " Jeanne d'Arc, ou Coup-d ’œil sur les révolutions de France au temps de Charles VI et de Charles VII et surtout de la Pucelle d'Orléans, avec un itinéraire exact des expéditions de Jeanne d'Arc, son portrait, deux cartes, l'une du siège d'Orléans, et l'autre du théâtre de la guerre au temps de Charles VII, avec plusieurs pièces justificatives inédites, et des tables chronologiques et alphabétiques " – Paris – Pillet – 1817.
Cet auteur est le fils d'un procureur du bailliage du Grésivaudan. Partisan de la Révolution, il représente la Garde nationale de l'Isère à la fête de la Fédération à Paris en 1790. Il enseigne à l'École Centrale de l'Isère de 1796 à 1804. En 1805, il est nommé à la chaire de procédure civile et de législation criminelle de l'École de droit de Grenoble. Il occupe ensuite cette même chaire à la faculté de droit de Paris, de 1819 à sa mort. Il est un fervent partisan de Napoléon et beau-frère de la famille Champollion. Berriat de Saint-Prix consacre son ouvrage à la critique de la thèse de Pierre Caze.

Jacques Berriat Saint-Prix

Celui-ci réplique en publiant en 1819 : « La Vérité sur Jeanne d’Arc ou Éclaircissements sur son origine » ( 2 volumes édités simultanément chez Rosa, à Paris, et chez Trentel and Wurtz, à Londres ).
Cette fois, il ne s’agit plus d’une mauvaise imitation de tragédie cornélienne, sa première production, mais d’un véritable ouvrage historique dans lequel Caze réaffirme sa conviction de la filiation royale de Jeanne en développant une argumentation qu’il s’était contenté d’effleurer dix-sept ans plus tôt avec la publication de sa tragédie. On y trouve le germe de la plupart des arguments utilisés par les auteurs modernes qui, depuis 1932, se sont attachés à démontrer cette même filiation. Caze est l’auteur qui établit un lien entre la famille d’Arc et la dame des Armoises, considérée comme un imposteur. L’œuvre de ce précurseur est restée ignorée de tous les grands historiens du XIXe siècle et du début du XXe. Elle n’était pas davantage connue des quatre auteurs, Lesigne, Save, Francis André et Grillot de Givry qui, entre 1889 et 1914, ont soutenu que Jeanne a échappé au bûcher et s’identifie avec la dame des Armoises.

Berriat Saint-Prix s’inscrit dans la période de la Révolution et de l’Empire pendant laquelle le mythe de Jeanne d'Arc prend de l'amplitude. Des évènements significatifs se sont produits à l’époque avec, par exemple la présentation le 21 juin 1791 au Conseil municipal de Paris d’un projet qui prévoit de rendre hommage à " l'héroïne française connue sous le nom de Pucelle d'Orléans " à l'occasion du deuxième anniversaire de la prise de la Bastille.
Cette proposition n'est pas retenue. Mais elle reflète une certaine ambivalence politique dans l'attitude des révolutionnaires. La meilleure preuve du comportement des révolutionnaires se trouve lors de la destruction à Orléans du monument de Jeanne d'Arc, acte que les pourfendeurs de la Révolution ne manquent pas d'évoquer au XIXe siècle.
En août 1792, on propose au conseil municipal d'Orléans de fondre ce monument, considéré comme royaliste, pour en faire des canons. Le conseil d'oppose d'abord à cette proposition en faisant valoir que le monument de la Pucelle n'est en rien un symbole de féodalisme ni une offense au peuple français. Au contraire, il est présenté comme un témoignage glorieux.
L'administration départementale passe outre et ordonne la fonte de la statue. Le conseil municipal obtempère mais décide que pour conserver la mémoire de la Pucelle, un des canons porterait le nom de Jeanne d'Arc...
En 1803, Napoléon intervient pour le remplacement du monument d'Orléans avec les arguments suivants :
" l'illustre Jeanne d'Arc a prouvé qu'il n'est point de miracle que le génie français ne puisse opérer lorsque l'indépendance nationale est menacée. Unie, la nation française n'a jamais été vaincue, mais nos voisins, abusant de la franchise et de la loyauté de notre caractère, semèrent constamment parmi nous les dissensions d'où naquirent les calamités de l'époque où vécut l'héroïne française et tous les désastres que rappelle notre histoire ".
Le mythe de la Révolution française se conjugue finalement à un extraordinaire regain d'intérêt pour Jeanne d'Arc, la fille issue du peuple considérée comme la douce héritière du mouvement brutal des "Jacques". Berriat-Saint-Prix qui est attiré par l’histoire de Jeanne partage les idées des bonapartistes sur ce sujet en défenseur de la Révolution et de la Nation. Le socle catholique et royaliste des soutiens de la Pucelle s’élargit aux révolutionnaires et bonapartistes.

- Guido Görres (1805 – 1852)

Guido Gorres

Il est un historien auteur de " Jeanne d'Arc, d'après les Chroniques " ( 1843 ) et un poète catholique allemand qui a eu une grande influence sur la suite des évènements en France concernant la Pucelle. Cet historien avait, en effet, au début des années 1830, dépouillé toutes les archives du procès Jeanne d'Arc dans les fonds de la bibliothèque impériale, puis nationale. Il en avait tiré la conclusion que Jeanne devait avoir une renommée nationale, sinon au-delà de nos frontières, et qu’elle avait la stature d’une sainte de l’Eglise catholique au surplus. Le livre de Görres, traduit en français en 1840, a servi de source aux écrits et prêches de Mgr Dupanloup. Le panégyrique de Dupanloup, dans la cathédrale d'Orléans en 1855 est tout inspiré des réflexions de Görres :
" Jeanne d'Arc appartient à la grande histoire européenne, à tout ce qui a un cœur noble en Angleterre, et en France : elle appartient à l'humanité. (...) Et la France, remise au rang des nations indépendantes par la main d'une jeune fille, recommença le cours de ses glorieuses et incomparables destinées qui ne sont pas achevées ; et demeurant la fille aînée de l'Eglise catholique tandis que d'autres nations tombaient, elle se préparait à marcher désormais à la tête des peuples européens, reine du monde civilisé. Tel fut le prix du sacrifice de Jeanne d'Arc ".

C’est par le moyen des actes du procès de condamnation qu’il découvrit Jeanne qu’il qualifie de fille du peuple, modèle de la foi et éventuellement de sainte; cela indépendamment, mais en même temps que les philosophes romantiques français.
Certains portent aujourd’hui a contrario une critique d’une toute autre nature, plus académique et psychologique des textes et affirment que la Pucelle était incivile, indocile, insociable, indisciplinée, insoumise à l’Eglise dans l’ordre religieux canonique, insubordonnée à l’Eglise en la personne de ses représentants, indélicate, insolente, indépendante, intolérante, inconsciente par rapport à l’enjeu du procès, sans compter un énorme complexe de supériorité et un complexe de masculinité… Jeanne fait semblant d’ignorer la loi religieuse ( deutéronome XXIII, 5 ) et conteste l’infraction. Sur le plan politique Görres se heurte ainsi à la tradition royaliste des Français pour laquelle l’épée de Jeanne était au service de la royauté et il n’était pas question de conférer à Jeanne une mission divine d’éventuel affranchissement de la nation par le peuple, sans l’intermédiaire du roi.
Mais à partir de 1850 le royalisme légitimiste cesse de peser sur les mentalités catholiques et la vision populaire et catholique de Guido Görres prend de la puissance avec l’aide de Dupanloup et des courants catholiques. Il faut quand même noter qu’un courant parallèle voit le jour avec Les Sismondi, Lavallée et autres historiens progressistes sous la Restauration qui sont les premiers à revendiquer cette fille du peuple trahie par son roi et brûlée par l'Eglise.

- Jules Michelet – ( 1798 – 1874 )

Jules Michelet

Historien français libéral et anticlérical, il est parmi les grands écrivains de l'époque romantique. Cet auteur rédige différents essais et ouvrages de mœurs dont certains lui valent des ennuis avec l'Église et le pouvoir politique. Il entame aussi une monumentale Histoire de France dont « Jeanne d’Arc » est le livre Ve, et qui est suivie d'une non moins monumentale Histoire de la Révolution. Michelet sait que le souvenir de Jeanne, qu'il affectionne, ne peut être sauvegardé qu'à condition d'éviter son instrumentalisation, qu'elle soit de gauche ou de droite. Pour lui, Jeanne était une fille du peuple qu'entoure le mystère de la passion du Christ :

" Ce Christ de douceur et de patience, il apparaît dans Louis le Débonnaire conspué par les évêques (...). L'idéal grandit encore dans saint Thomas de Canterbury, délaissé par l'Eglise et mourant pour elle (...). Il se réalise au XVe siècle dans la femme, dans Jeanne la Pucelle. Celle-ci en qui le peuple meurt pour le peuple est la dernière figure du Christ au Moyen Age." (Histoire de France, livre IV).

Les envolées lyriques de Michelet en matière de politique sociale avec leur connotation religieuse nous laissent plus que dubitatifs s’agissant d’un anticlérical ! C’est la fille du peuple qui est le parti-pris définitif des historiens de cette époque. Cette notion de fille du peuple est difficile à soutenir quand on étudie ses relations avec le roi, les grands du royaume et les princes étrangers, comme celui de Lorraine par exemple.

L’historien joue un rôle dans la popularisation du personnage de Jeanne d'Arc.

Jules Michelet est considéré, à part pour son étude du Moyen Âge, comme un des auteurs de l'histoire de la Pucelle des plus populaires, aujourd’hui encore retenue. Son travail historique est mandaté par Louis-Philippe ce qui lui confère une notoriété certaine. Cependant son manque de rigueur sur la stricte observation des faits historiques est généralement aussi reconnu.

L’Église catholique romaine est, du fait des circonstances de la mort de la Pucelle, mal à l'aise au XIXe siècle face au personnage. C’est en imposant l'image d'une sainte laïque que Michelet crée alors un mythe perçu comme une véritable machine de guerre contre l'Église. La réplique vient naturellement de la part de l’Eglise en 1869 quand monseigneur Félix Dupanloup, évêque d'Orléans, met en route le processus de canonisation, afin de faire de Jeanne d'Arc le symbole de la chrétienne luttant pour sa foi et sa patrie.
Cette procédure permet, après un demi-siècle de tergiversations ( du 2 novembre 1874 au 16 mai 1920, uniquement interrompu par la Grande Guerre ), de déclarer sainte de l'Église catholique une femme condamnée par un tribunal ecclésiastique pour hérésie.
L’histoire de l’Eglise est ainsi faite... et les historiens doivent composer avec et expliquer cette contradiction sans dissimuler la trame historique.

Cette renaissance de l’histoire johannique s’effectue par Michelet et Quicherat, qui sont notoirement anticléricaux, dans un climat d’effervescence patriotique et nationaliste dont nous avons encore les conséquences aujourd’hui. Les acteurs politiques, cléricaux et anticléricaux, veulent s’attacher la Pucelle pour des raisons évidentes de propagande.

- Ernest Lesigne ( 1850 ? – 1928 )

Il est le premier auteur qui s’attaque aux légendes. En 1889 parait à Paris, chez Charles Bayle, " La Fin d’une Légende, Vie de Jeanne d’Arc (de 1409 à 1440) ". Lesigne est fonctionnaire de l’université et professe l’histoire, non sans rencontrer de nombreuses difficultés dans son enseignement. Refusant d'obtempérer et continuer à enseigner des légendes historiques, il est mis à pied par le ministre de l’instruction publique.
Heureusement, Littré connait les projets du jeune professeur et décide de l’embaucher à la « philosophie positive » sous le pseudonyme de Louis Narval. Pendant plus de dix années, Lesigne ne cesse de se préoccuper de la restauration de l’histoire du XVème siècle et prépare l’histoire vraie de Jeanne d’Arc.
Bien qu’il ne soit pas exempt de préjugés, son travail est un formidable premier coup assené à la légende et un commencement de reconstruction de l’histoire... Malheureusement interrompu par les opérations de béatification et de canonisation. Ernest Lesigne qui est un noble précurseur porte l’honneur des historiens qui se tiennent debout dans la tempête!

Son livre, qui est présent sur Gallica, mérite d’être lu par tous ceux qui s’intéressent à l’histoire de l’héroïne Jeanne et à notre Pays.

LE LIVRE D’ERNEST LESIGNE – 1889

 

II. L’anticléricalisme de Quicherat lui fait prendre le parti de la Pucelle contre le juge :

Le début des études historiques sur la Pucelle date des travaux de Jules Quicherat, de 1841 à 1850.
Les historiens suivants, Champion, Oursel, Tisset et Duby, pour ne citer que certains des plus connus, ne font que reprendre ses travaux. Quicherat n’est pas un chercheur ou un historien, bien qu’ancien élève de l'École des Chartes, dont il sort en 1834. D'abord attaché à la Bibliothèque royale, il est nommé en 1847 répétiteur d'archéologie, puis en 1849, professeur de diplomatie à l'École des Chartes, qu'il dirige de 1871 à sa mort.
Son anticléricalisme transparait malheureusement dans son œuvre. Cela est très apparent quand il prend le parti pris délibéré de soutenir la défense de la Pucelle, ce qui joue évidemment en défaveur du juge, c’est-à-dire de l’Eglise. L'auteur soutient ainsi l’esprit de contestation que manifeste Jeanne envers les clercs qui la jugent.

JULES QUICHERAT

Mais l’opinion de Quicherat est problématique pour les catholiques, car rendre l’Eglise responsable d’une faute est inimaginable. Une explication des moins plausibles est alors avancée par certains historiens, toujours soutenue aujourd’hui, qui consiste à accuser Cauchon de tous les maux et à ainsi dédouaner l’Institution catholique de toute responsabilité.

En général, depuis Quicherat, les historiens essaient de nous faire admettre que, ou l’Eglise, ou l’évêque Cauchon sont coupables d’avoir condamné la Pucelle et que Jeanne est une victime. C’est sur cette option historique fallacieuse, qui est encore validée aujourd’hui, au mépris de toute étude exhaustive du procès mené par l’Inquisition, que l’histoire de la Pucelle est encore enseignée. Soutenir, sur le plan de la science historique ou du point de vue canonique, que l’Eglise n’est pas responsable d’un procès mené par l’Inquisition et ses représentants patentés ( un collège d’évêques et de théologiens en responsabilité de justice ), est chose cependant difficile à admettre pour les observateurs catholiques qui connaissent les rouages de l’Eglise !
Aussi bien que pour les historiens ou les chercheurs d'ailleurs. En ce qui concerne Monseigneur Cauchon, on est en fait plutôt en droit de se demander pourquoi l’évêque de Beauvais, ancien recteur de l’Université, met tout en œuvre, à ce qu’il semble, pour soustraire la Pucelle à la juridiction de ses collègues! Pour quelles raisons ce spécialiste du droit canonique semble méconnaître certaines ordonnances en vigueur dans ce type de procès ? Des dizaines et des dizaines de fois, Cauchon tente d’obtenir un serment inconditionnel ( serment sur l’évangile de dire la vérité ), mais il ne l’obtient que sur des sujets regardant la foi.
Il peut pourtant y contraindre sa prisonnière en utilisant le droit que s’attribue l’Eglise de délier les fidèles des engagements pris, mais il ne le fait jamais. Toutes ses manœuvres, telles que les falsifications, les altérations, les vices de forme, la suppression de documents et les pressions exercées sur les juges et assesseurs, nous font douter de sa volonté de vouloir condamner la Pucelle. Contrairement à ce qu’en pense Quicherat. En définitive, pour l’Evêque tout est bon pour entacher de nullité ce procès qui ne pose aucun problème aussi bien dans le fond que dans la forme. Il est très difficile de blanchir l’Eglise dans les circonstances de l’époque car il est manifeste que la Pucelle, qui a été condamnée pour hérésie, relève assurément de ce qualificatif compte tenu de ses idées ! Celles-ci se rapprochant plus du protestantisme moderne que de la doctrine catholique, si l’on peut oser la comparaison.

L’Inquisition ( du mot latin inquisitio signifiant enquête, recherche ) est une juridiction spécialisée, un tribunal en fait, créée par l'Église catholique romaine et relevant du droit canonique.
Son but est de combattre l'hérésie, en faisant appliquer aux personnes qui ne respectent pas le dogme, des punitions variant de simples peines spirituelles ( prières, pénitences ) à des amendes lorsque l'hérésie n'était pas établie, et à des sanctions plus sévères allant de la confiscation de tous leurs biens à la peine de mort pour les hérétiques reconnus.
Nous savons que le juge Cauchon en charge du procès de la Pucelle avait une très bonne réputation, à telle enseigne que le pape Eugène IV lui adressa une lettre de félicitations dans laquelle il lui faisait part de sa satisfaction et de sa reconnaissance après le procès de Jeanne.

L'EVEQUE CAUCHON

L’évêque Cauchon est licencié en droit canon et docteur en théologie. C’est un ecclésiastique de grande considération puisqu’il est nommé recteur de l’Université de Paris en 1403. Juriste exceptionnel et orateur distingué il fait partie de l’assemblée chargée de réformer les institutions du royaume de France et de rédiger en 1413 l’ordonnance dite cabochienne. Cette dernière initiative le fait bannir de la cour du roi le 14 mai 1414, et c’est ainsi que ses nouveaux protecteurs, les ducs de Bourgogne s’intéressent à lui.
Il devient ambassadeur de Bourgogne au concile de Constance et soutient la candidature de Martin V qui est élu Pape. Le nouveau Pape tient donc Cauchon en grande estime et le récompense en le nommant son conseiller référendaire. Il produit une Bulle dans laquelle il fait part de son estime à l’endroit de son conseiller en citant son honnêteté de mœurs, sa prudence en matière spirituelle et son habileté dans les affaires temporelles.
L’évêque Cauchon a participé à la rédaction du Traité de Troyes en représentation d’Isabeau de Bavière. Il est nommé comte-évêque de Beauvais en 1419 mais il est obligé de se déporter vers un autre siège apostolique lorsque la ville se déclare pour le comte de Ponthieu.
Il devient par la suite évêque de Lisieux.
Cauchon figure au nombre des exécuteurs testamentaires de Charles VI , c’est dire qu’il ne peut accepter la candidature au trône de France du comte de Ponthieu sans renier ses engagements. Chapelain de Bedford, il siège au Grand Conseil d’Angleterre et devient grand aumônier du roi d’Angleterre.
Notre prélat est un négociateur émérite qui parvient, avec la collaboration du cardinal de Bar, à réconcilier en 1430 le comte d’Armagnac et le Pape. Le 03 janvier 1431, il est nommé juge principal au procès de la Pucelle par le roi d’Angleterre, qui est le détenteur de la prisonnière. Redoutant que Jeanne ne fût livrée aux fanatiques de la Sorbonne, l’évêque se rend le 15 novembre 1430 au Crotoy, sans doute pour donner tous apaisements sur le sort éventuel de Jeanne, puis pour se faire remettre la captive contre versement de la rançon.
A ce propos, on peut souligner que la Pucelle a été vendue le prix d’un prisonnier de sang royal.
L’évêque Cauchon est un diplomate habile qui est encore nommé en 1434 et en 1435 ambassadeur du roi Henry VI d’Angleterre au concile de Bâle. En charge du procès d’Inquisition de la Pucelle, l’évêque fait participer à la procédure un nombre important d’ecclésiastiques très éminents pour marquer la présence de l’Eglise et se démarquer des querelles politiques partisanes qui peuvent voir le jour avec un nombre restreint de participants. La tâche n’est pas facile car un certain nombre de membres du clergé d’alors qui sont partisans du comte de Ponthieu, craignent de se déplacer en territoire contrôlé par le roi d’Angleterre.

Le procès de Rouen est toujours considéré, exclusivement, comme un procès politique, et Jeanne une patriote condamnée par un juge dévoué à l’envahisseur. Ces errements historiques doivent conduire naturellement vers une campagne de promotion civique et religieuse pour compléter le rayonnement politique et religieux de la Pucelle.
Cela étant, la question religieuse domine tout le procès sans conteste et le politique n’y a pas sa place.

LEO TAXIL

Le polémiste et historien Gabriel Jogand-Pagès, dit Léo Taxil ( 1854-1907 ) est sans doute l’un des premiers qui réaffirme dans son livre paru en 1897 " Jeanne d’Arc victime des prêtres – Etude historique avec révélations et documents – La trahison, le viol, le procès, le supplice " que le procès de Jeanne est un procès d’Inquisition .
« Dire, comme le font les cléricaux, que l’Inquisition n’a plus fonctionné en France depuis les Albigeois et Philippe le Bel, est un effronté mensonge » écrit-t-il.

Léo Taxil est un observateur très avisé de l’histoire johannique, malgré la versatilité de ses croyances. Il est également le co-auteur du livre " Le martyre de Jeanne d’Arc " qui est la première traduction fidèle et complète du procès de la Pucelle ( Léo Taxil et Paul Fesch à Paris chez Letouzey et Ané, 1890, Paul Fesch est journaliste à La Croix et fondateur de la revue Jeanne d'Arc).
Taxil rajoute que le procès de Jeanne d’Arc est le crime non seulement d’un évêque français, ( comme l’avoue Dupanloup ), mais également celui du pape, des évêques, des clergés catholiques français et anglais, en un mot, le crime de l’Eglise toute entière. Celui de l’Inquisition devant laquelle tous les princes européens s’effacent. A cette accusation lourde pour l’Eglise, certains, ( peu nombreux ), tergiversent officiellement, ou officieusement, en affirmant que l’Inquisition est une institution d’hommes d’Eglise et non une institution de l’Eglise.

Cette conception se heurte au dogme de l’infaillibilité de l’Eglise qui est une doctrine constante de l’institution depuis la promesse faite par Jésus à Pierre ( Mt 16 ). Cette notion entre dans le vocabulaire dogmatique de l’Eglise en 1870 à l’issue du concile Vatican I, mais est admise sans restriction depuis toujours. Cent trente ecclésiastiques parmi les plus éminents, dont les membres de l’Université de Paris, ne peuvent être aujourd’hui considérés sérieusement comme les meurtriers de la Pucelle plutôt que comme des juges responsables investis des pouvoirs de l’Eglise.

Les historiens qui font avancer la science historique en réaffirmant des vérités premières sont obligatoirement mis à l’index, comme l’est aujourd’hui Léo Taxil, dont le livre est systématiquement ignoré par les bibliothèques de référence, et en particulier par la première d’entre elles, la Bibliothèque Nationale, qui n’honore pas de ce fait ses devoirs envers son public et les chercheurs.

La canonisation de la Pucelle concourt à geler toutes les études historiques dignes de ce nom pour d’illusoires raisons d’état de la République et de l’Eglise. Il faut faire oublier le marchandage politique entre la République et le Vatican qui ne plaide pas pour la gloire de ces deux institutions à l’époque. La trame historique de la Pucelle qui nous est restituée aujourd’hui est différente de la trame historique médiévale, et de l’histoire institutionnelle et canonique de l’Eglise. Cela a pour résultat de nous délivrer une " histoire " peu crédible, qui ne s’insère pas dans la trame judiciaire authentique du procès de la Pucelle, sur lequel nous allons revenir.

III. Le mythe de l’existence du sentiment national dans l’histoire Johannique et ses conséquences jusque dans l’histoire contemporaine :

Le mythe de l’existence du sentiment national dans la saga de la Pucelle, qui est le théorème historique majeur des tenants de l’histoire « officielle » ne repose sur aucune observation réaliste de la sociologie politique de l’époque. Nous observons que s’il faut bien nommer parfois les Anglais les « Anglais », il n’en reste pas moins que nous étions dans cette guerre de Cent ans en présence d’un conflit dynastique et non pas en présence d’un conflit impliquant la "nation" française, dont la réalité structurelle et sociologique n’est pas tangible à l’époque de la Pucelle !

La notion de Patrie pour ceux qui ne font pas partie d’une nation est aussi problématique. Il est abusif de présenter les évènements d’alors comme des incursions d’Anglais en France et de raconter que les Français défendent leur patrie, s’agissant d’une lutte de deux clans se disputant la royauté.
La " patrie " française n’a pas été sauvée, car c’est simplement un clan dynastique qui a gagné sur un autre clan dynastique.
Le temps de Jeanne est celui des partis féodaux et religieux. On est partisan des Armagnacs ou des Bourguignons, ou bien des Franciscains ou des Dominicains, mais certainement pas de revendications sociales ou patriotiques, du fait de l’organisation féodale de l’Etat.
Certains seigneurs sont pour Charles de Valois qui veut récupérer la couronne du royaume de France, quand d’autres s’accommodent parfaitement du Traité de Troyes ainsi que de l’autre prétendant à la couronne, aussi qualifié d'ailleurs que le Valois. L’histoire déforme la réalité politique de l’époque en ce qui concerne le conflit entre Armagnacs et Bourguignons.
Le comte d’Armagnac n’est qu’un chef de clan fournissant des contingents gascons, mais dépourvu de talent militaire et de finesse politique.
La véritable opposition au parti Bourguignon, c’est la maison d’Anjou, avec Yolande d’Aragon qui est un vrai " politique " intelligent et puissant et dont l’activité est considérable, depuis l’enlèvement du futur dauphin jusqu’à la promulgation de la Pragmatique Sanction.
Les agents de Yolande sont partout, qui contrôlent la politique du dauphin d'abord, puis celle de Charles VII.

Yolande d’Aragon

La fidélité de Jeanne va au représentant de son parti familial, « les Orléans », beaucoup plus qu’au roi d’une " nation " française ( cf. Seignobos – historien de l'histoire méthodique, qui repose sur la lecture critique des sources manuscrites ).
De plus, la Pucelle exagére son sentiment en associant le spirituel au politique. Car on a des difficultés à comprendre que Dieu a choisi un prétendant plutôt qu'un autre. Dieu n’est pas français plutôt qu’anglais !
Même si par principe, on constate que Dieu est toujours du côté du vainqueur !
Et si l’on s'en tient à une définition commune du terme de nation, alors on l'envisage de deux manières :

- D'une part, celle de Renan et de son discours de 1882 prononcé à la Sorbonne, considérant une nation comme « un groupe d'humains, généralement assez vaste, qui se caractérise par la conscience de son unité ( historique, sociale, culturelle ) et la volonté de vivre en commun » ,

- D'autre part, celle classique qui insiste sur « un groupe d'humains constituant une communauté politique, établi sur un territoire défini ou un ensemble de territoires définis et personnifiés par une autorité souveraine, l'Etat ».

Le débat historiographique tardif sur la question de la nation remet en cause ces deux définitions, mais on doit considérer que la nation n’existe pas en France à l’époque de la Pucelle! et qu’il en est de même, en conséquence, du sentiment national tel qu'on le comprend aujourd’hui. De toutes les façons, à l’époque de la Pucelle, seuls les aristocrates existent sociologiquement, et le peuple est absent de toute considération.

En effet, l’existence du sentiment national dans l’histoire johannique est un mythe créé par les historiens modernes et, d’ailleurs, par des auteurs plus politiques ou polémistes qu’historiens.

Ce mythe se double de tentatives de récupération partisanes du personnage qui devient pour certains une sainte laïque ( d’où le terme de sainte de la patrie ) et pour d’autres une religieuse mystique.

Ce mythe du sentiment national est donc également générateur d’un autre mythe qui est celui de la sainte de la Patrie. Jeanne est aujourd’hui encore pour les rationalistes un sauveur du peuple, et pour les catholiques, une envoyée du ciel avec la même fonction! Accoler un terme d’Eglise avec un terme laïc identitaire est un assemblage curieux. Le mot " sainte " qui symbolise un modèle de vie religieux, associé aux mots " laïc " et " patrie " qui représentent la terre des pères dans la nation, est lourd d’affectivité identitaire et affirme une proximité avec autrui, qui est une représentation idyllique religieuse et patriotique créée pour glorifier l’héroïne Jeanne.

Retraçons succinctement ce phénomène d’immixtion de la Pucelle dans le champ patriotique et politique depuis Michelet :

C'est bien Michelet, et personne d’autre, qui, en 1841, ressort Jeanne du néant de la mémoire…
Avant de devenir la figure éminente du «roman national» français, récupérée par l’opposition monarchiste, la Pucelle n’en est pas moins célébrée par des républicains et même des révolutionnaires en lutte contre le fascisme et l’impérialisme !
C’est la libératrice d’Orléans plutôt que la " Sainte " bien évidemment qui est récupérée dans ce dernier cas.
C’est la résistante à l’envahisseur plutôt que le bras-armé d’un roi.
Brossée par Michelet, Jeanne devient l’un des symboles de la balbutiante idée de patrie, en un temps où les besoins de consolider le destin de la jeune République s’avèrent primordiaux face aux monarchistes et aux catholiques.
Jeanne est alors la figure incarnée du peuple en danger, la fiancée de la France, la fille de tous, bref, la grande martyre d’une monarchie ingrate coalisée avec l’Église.

Mais Michelet n'est pas seul. Jules Quicherat, Joseph Fabre, Lucien Herr et le grand Jean Jaurès écrivent eux aussi des pages enflammées sur la suppliciée de Rouen. Plus incroyable, en 1884, un projet de loi du groupe radical (qui n’aboutira jamais) est même déposé au Parlement pour instaurer une fête annuelle en l’honneur de Jeanne dans le but de compléter le 14 Juillet...
C'est donc à la plume alerte de Jules Michelet que l'on doit la transformation la plus radicale du personnage de la Pucelle en 1841. Cette année-là en effet il publie " Jeanne d'Arc " (en fait le Livre V de son Histoire de France), qui fait entrer cette jeune femme dans la catégorie des héros incarnant le peuple. Il appuie son argumentation sur les origines modestes de Jeanne, rurales autant que provinciales, son absence de culture savante, la naïveté de sa pratique religieuse, son bon sens qui empêche de la ranger dans le camp des illuminées, ses instants de doute et de faiblesse…
En s'imposant à ses capitaines par son exemplarité, en réalisant l'unité autour de sa personne, Jeanne d'Arc est à l'origine, selon Michelet, d'une des étapes décisives de la construction de la France. Elle cristallise le sentiment national du peuple français et fait émerger le nationalisme. Sa vision de Jeanne constitue un parallèle, troublant pour cet historien athée, avec le Christ:
Jeanne se plie à sa mission dont elle sait qu'elle lui coûtera la vie.

Jules Michelet et son Histoire de France font de la Pucelle à la fois la fille du peuple et une héroïne patriote ; c’est ainsi qu’une sainte laïque se dessine sur l'esquisse de Jeanne la catholique :

« Souvenons-nous toujours, Français, que la patrie chez nous est née du cœur d'une femme, de sa tendresse et des larmes, du sang qu'elle a donné pour nous »

Cette vision d'une Jeanne d'Arc de « gauche », fille du peuple, oubliée par le roi Charles VII, martyrisée par l'Église, héroïne du peuple est amplifiée avec la publication par Jules Quicherat, un élève de Michelet, des actes des deux procès (en latin) d'après les manuscrits de la Bibliothèque Nationale de France (1841-1849).

Puis Henri Martin, un autre historien républicain, publie en 1856 un livre sur « Jeanne Darc » (en démocratisant l'orthographe) faisant de celle-ci l'incarnation de l'esprit et des vertus gauloises, la « pure essence » française. Selon lui, elle représente un « messie de rationalité » s'opposant au clergé romain.

HENRI MARTIN

Henri Martin est comme Guizot et Wallon, qui s’inscrivent dans la tradition théosophique du XVIIIème siècle pour qui Jeanne est une sainte envoyée par l’Etre suprême pour sauver la patrie. Wallon croit à une mission surnaturelle de la Pucelle, directement inspirée par Dieu.
La longue notice de Pierre Larousse dans le Grand Dictionnaire du XIXe siècle ( 1870 ) synthétise parfaitement les sentiments des républicains, souvent libres penseurs :

- Jeanne d’Arc a-t-elle eu réellement des visions ? La réponse est non. - Son mobile le plus certain ne prit-il pas sa source dans les mouvements d'un patriotisme exalté ? La réponse est oui. - Quels furent les vrais sentiments du roi à son égard ? La réponse est " indifférence et défiance ". - Quelle a été, dans tous les temps, la vraie pensée du clergé pour Jeanne ? La réponse est " entraver sa mission, la faire faire mourir et, sous prétexte de la réhabiliter, charger de légendes sa mémoire ".

PIERRE LAROUSSE

Ses propos sont écrits un an à peine après le panégyrique de Monseigneur Dupanloup à Orléans annonçant la sainteté de Jeanne d'Arc. L'abbé Emmanuel-Justin Barthélémy de Beauregard intervient pour contrer la thèse des rationalistes. Théologien et écrivain de son état, il est né en 1803. Un temps vicaire à l’église de La Trinité de Paris, il est l'auteur en 1851 d’une « Histoire de Jeanne d’Arc d’après les chroniques contemporaines, les recherches des modernes et plusieurs documents nouveaux ».
A ce titre, il est sans doute le plus important des auteurs dont les écrits peuvent être qualifiés de traditionalistes, théologiques ou mystiques ; son ouvrage était destiné évidemment à combattre les idées des écrivains qui accusent l’Eglise. Ces écrits constituent la réaction cléricale à ceux de Quicherat et Michelet.

Les traditions bibliques sont évoquées par Bossuet et Dufresne de Beaucourt ; ce dernier qui écrit « Dieu anima et enhardit un faible corps de femme » est également l’auteur de « Jeanne d’Arc et sa mission », publié en 1867. Les socialistes revendiquent eux aussi cette approche patriotique de Jeanne d'Arc. Ainsi Lucien Herr, bibliothécaire de l'École normale supérieure, écrit dans Le Parti Ouvrier, sous le pseudonyme de Pierre Breton, le 14 mai 1890, un article dont le titre est « Notre Jeanne d'Arc ».

Il y dénie à l'Église catholique tout droit d'instaurer le culte de celle qu'elle a brûlé quelques siècles plus tôt
(« Jeanne est des nôtres, elle est à nous ; et nous ne voulons pas qu'on y touche »).

LUCIEN HERR

HENRI WALLON

Henri Wallon (1812 – 1904) historien et homme politique, député monarchiste puis ministre de l’instruction publique, est célèbre pour avoir été à l’origine des lois constitutionnelles de 1875 qui fondent la troisième république. Auteur d’un livre en deux volumes intitulés « Jeanne d’Arc » paru en 1860, il peut être considéré comme l’un des principaux artisans de la canonisation de la Pucelle.

Certains auteurs estiment donc que Jeanne est une sainte laïque ; c'est le cas de Charles Louandre, de Lamartine qui qualifie Jeanne d'« héroïne et la sainte du patriotisme français », de Joseph Fabre (1842 – 1916) historien et homme politique qui a proposé la création d'une fête nationale de Jeanne d'Arc et a traduit du latin en français le procès de réhabilitation.

CHARLES PEGUY

Dans son ouvrage « Le mystère de la charité de Jeanne d’Arc », qui se présente sous la forme d’une pièce en trois actes, il en fait le symbole du mysticisme catholique. Charles Péguy (1873 – 1914), normalien et socialiste, ami de Lucien Herr, il compose en 1897 sa première " Jeanne d'Arc " qui est dédiée « à toutes celles et à tous ceux qui seront morts de leur mort humaine pour l'établissement de la république socialiste universelle ».
Péguy, dans son livre (qui ne connaît guère de succès), choisit cependant, loin des critères de l'histoire positiviste, de privilégier la forme dramatique et de centrer son écriture sur la vie personnelle et la vie intérieure de Jeanne. Ainsi la vocation de Jeanne d'Arc ne doit rien aux voix, mais plutôt à sa hantise du mal et de la révolte qu'il suscite en elle.
La publication en 1910 du "Mystère de la charité de Jeanne d'Arc" signe le retour de Péguy à la foi.
Il ajoute à son précédent ouvrage de nombreux passages constitués pour l'essentiel de méditations, de prières, qui tirent l'œuvre vers le drame lyrique.
Sa pièce suscite alors l'intérêt des milieux catholiques traditionalistes qui y voient le contrepoint idéal au livre d'Anatole France.

ANATOLE FRANCE

En effet, en 1908 paraît la " Vie de Jeanne " d’Arc d'Anatole France (1844 – 1924).
Cet ouvrage, écrit avec une mentalité strictement rationaliste, ne remet pas en cause les qualités humaines de courage et de sincérité de Jeanne, mais critique le manque de fiabilité des sources disponibles à l'époque et relativise la part d'évènements extraordinaires dans l'épopée.
Il explique ainsi la délivrance d'Orléans par la faiblesse des effectifs anglais.
En fait, Anatole France donne à Jeanne un rôle plus psychologique que militaire: Elle renforce le moral du camp français et jette le trouble chez les Anglais et chez les Bourguignons.
Les voix sont pour lui un simple phénomène d'hallucinations.
Enfin la conclusion de l'auteur fait scandale ! Selon lui en effet, ces divers facteurs ont servi, à l'insu de Jeanne, à un complot clérical : une soi-disant prophétie annonçant que le salut de la France passerait par une vierge aurait été mise en forme par le clergé pour servir la cause de l'Église. Anatole France tente alors de supprimer la part de surnaturel de son aventure.

Moins polémique en 1910 dans " L'armée nouvelle ", Jean Jaurès rend lui-aussi hommage à Jeanne d'Arc. Les affaires Taxil en 1889 et Thalamas en 1904 marquent la vie politique française par une agitation nouvelle. Ces deux affaires qui sont bien connues ont de fortes influences à l’époque sur les plans sociologique et politique. Amédée Thalamas est un professeur de la Sorbonne qui donne des conférences dans toute la France sur Jeanne, la considérant comme « rien d’autre qu’une fille à soldat ». L’Action Française manifeste à plusieurs reprises contre cet enseignant en estimant qu’il avait « tenu dans sa classe d’abominables propos sur le compte de Jeanne d’Arc [...], [qui] ne tendaient pas seulement à rejeter le caractère surnaturel de la mission de Jeanne, mais osaient aussi s’attaquer à sa moralité et dénigrer son rôle national ». Ces conférences font suite à la publication de son livre intitulé « Jeanne d’Arc, l’histoire et la légende » qui expose d'une manière jugée « positiviste » la vie de la Pucelle d'Orléans.

Maurras et Real del Sarte, le chef des camelots du Roi!

Les " Camelots du Roi " se font remarquer en 1908 lors de l'affaire Thalamas, ce professeur qui a outrepassé pour eux ses prérogatives en salissant la mémoire de la Pucelle. Leur réaction ne se fait pas attendre : Ils investissent, sous la conduite de Maxime Real del Sarte, l'amphi où l'insolent donne un cours et le fessent, pantalon sur les chevilles, devant un auditoire consterné.

Thalamas est brocardé dans la presse d'extrême droite

Dès cet instant, les Camelots du roi s’emparent du culte de Jeanne d'Arc, et décident de l'imposer au régime. Ils devront, pour voir ce projet se réaliser, attendre quatre ans. Ils finissent par arracher en 1912 la reconnaissance officielle du cortège déjà traditionnel de Jeanne d'Arc, au prix de plusieurs années de combat acharné et, pour certains, de nombreux jours de prison.

L'Action Française du 14 Mars 1927.

L’Action Française montre dans son journal du 14 mars 1927 qu’elle soutient le raisonnement du Chanoine Charles-Emile Montet dans ses accusations contre l’Eglise, ou plutôt l’épiscopat, chargé en zone anglaise, de faire connaitre aux masses populaires la vie criminelle et scandaleuse de la Pucelle. Les courants maçonniques s’investissent dans les fêtes laïques d’Orléans tandis que les défilés de l’Action Française rue de Rivoli à Paris connotent dans un sens patriotique et clérical ces manifestations.

Un défilé de l'Action Française.

Jeanne d’Arc devient l’incarnation d’une société méprisant l’ordre républicain. L’exemple le plus marquant est bien l’idée qu’a le 23 février 1899, jour des obsèques de Félix Faure, Paul Déroulède, de donner rendez-vous à ses amis de la Ligue des Patriotes, voués au « culte des vertus nationales », devant la statue de Jeanne d’Arc, place des Pyramides.

Déroulède et ses amis.

Maurice Barrès va d’ailleurs avec la Ligue des Patriotes, plusieurs fois, déposer des gerbes de fleurs à la statue de Jeanne d’Arc, l’idée étant, que ce soit à la Ligue des Patriotes ou à l’Action Française, d’obtenir que la fête de Jeanne d’Arc devienne une fête nationale. Il faudra attendre juin 1920 pour que Barrès fasse voter cette loi.

Maurice Barrès et "Jeanne d'Arc"

Très récemment le 600e anniversaire de la Pucelle n’a pas été oublié par nos politiciens. C'est en termes choisis que le candidat Sarkozy s'est emparé de l'image emblématique de l'héroïne de Domremy pour donner le coup d'envoi des festivités du 600e anniversaire de sa naissance. Sitôt accueilli dans le village natal de la célèbre bergère au son d' "en passant par la Lorraine", le président s'est employé à démentir ceux qui l'ont soupçonné de célébrer celle qui a entendu des voix pour en chasser d'autres.

" C'est le 600e anniversaire, ce n'est pas tous les jours...Qu'est-ce qu'on aurait dit si je n'étais pas venu ? "

Sarkozy visite la "Maison Natale" à Domremy!

Plus tard à Vaucouleurs, d'où Jeanne lance en 1429 sa campagne victorieuse contre les Anglais, Nicolas Sarkozy s'est une nouvelle fois justifié :
" En tant que chef de l'Etat, je me devais de rendre aujourd'hui, ici, sur sa terre de naissance, cet hommage solennel que la France rend à ceux auxquels elle doit sa liberté et sa grandeur ".

Au sein de la gauche du PS, de la gauche radicale et des écologistes, en revanche, pas question de se battre pour une héroïne médiévale enrôlée par l'extrême-droite. Ainsi du député PS de Paris Christophe Cambadélis, qui a brocardé sur son blog un supposé totem nationaliste : « Peut-on oublier de qui Jeanne fut un culte ? De Barrès à Pétain, du Maréchal à Jean-Marie Le Pen ? ».
Et de répondre au président : « Oh que oui, Jeanne d'Arc appartient à un parti, celui qui tous les 1er mai pérore devant la statue dorée de cette dernière : Le Front national et son nationalisme ethnique ».
L'écologiste Eva Joly n'a pas dit autre chose sur France 2, en qualifiant Jeanne d'Arc de « symbole ultranationaliste » et lui préférant les « femmes héroïnes de la Résistance de la Deuxième Guerre mondiale ». Sur le site de campagne du Front de gauche, le bras-droit de Jean-Luc Mélenchon Alexis Corbière s'en est lui pris au « mythe national » de Jeanne d'Arc, supposément entretenu par un anti-laïque Sarkozy, « dans le droit fil de son discours de Chanoine de Latran devant Benoît XVI ». Jeanne nous reviendra lors de prochaines élections…

IV. La thèse de la Pucelle défenseur du peuple et d’une doctrine sociale égalitariste

De nombreux livres d’histoire, influencés par Michelet, lui-même influencé par les livres du 18ème siècle écrits sur Jeanne, veulent transformer en héroïne nationale Jeanne, à condition qu’elle parle au nom des paysans exploités et massacrés par les seigneurs de la guerre de Cent ans. On est ici dans l’hérésie historique caractéristique qui déshonore ceux qui se livrent à de telles pratiques.
La guerre de Cent ans est une guerre féodale de rois qui sont cousins, dont l’un est vassal de l’autre et décide de s’affranchir de cette vassalité en prenant le royaume de son suzerain. Ces rois se battent pour récupérer un héritage. On n’est pas dans l’histoire d’un état-nation où le peuple est un élément représenté et pris en compte mais dans une histoire semblable aux romans de la Table Ronde. Jeanne prend parti pour la famille d’Orléans dont elle est issue.
Elle soutient le seigneur de sa région qui est lui-même en délicatesse avec les autres seigneurs de la région, et qui négocie avec eux pour que ses paysans ne se fassent pas massacrer par représailles. Dans ces querelles, dans ces alliances, Jeanne prend parti pour son clan simplement. Ce clan représente les intérêts familiaux dynastiques du dauphin soutenus par les partis Orléans, Anjou et Armagnac.
Mais ce n’est pas ce clan qui représente les peuples du nord de la Loire, qui sont partisans des Bourguignons contre les Armagnacs, et sympathisants du roi d’Angleterre. On ne doit pas oublier que les révoltes contre Charles VI et Charles VII ont été faites contre le peuple de Paris sous la conduite du cousin bourguignon du roi. On ne peut pas dire à l’examen des faits que Jeanne représente le peuple même si elle représente un clan, plutôt aristocratique, de ce peuple, qui veut le " roi de Bourges " pour roi de France.
Jeanne est représentée comme une vierge " janséniste " qui a lutté contre le pouvoir de la noblesse et a souhaité le contre-pouvoir des Valois. Cette thèse égalitariste qui se trouve aussi bien chez Michelet que chez Jacques Bainville, l’éminent historien royaliste de l’Action Française, ne reflète que les fantasmes d’une bourgeoisie profondément égalitaire du 19e siècle, qui avait la haine de la noblesse pour des raisons de prestige social.

Jacques Bainville

Cette bourgeoisie croit également que la révolution a été faite pour le peuple alors qu’il ne s’agit que de groupes de pression qui veulent récupérer le pouvoir pour mieux contrôler le peuple. Certains objectent que l’appartenance probable de la Pucelle au Tiers ordre franciscain peut affirmer son adhésion à une doctrine égalitariste, mais pour cela il faudrait que les Franciscains aient eu à l’époque une doctrine sociale vraiment égalitaire.

Ce qui reste à prouver en dehors de tout idéal de fraternité et d’égalitarisme monastique! De toutes les façons, les projets de société n’étaient pas dans les thèmes de l’époque.
Sans vouloir négliger le rôle des Franciscains dans la révolution sociale en Europe Occidentale après la peste noire de 1348, qui deviennent l’incarnation monastique du peuple, ces religieux s’intéressent plutôt à des questions d’Eglise qu’à des questions touchant à la société civile.
En effet, pendant que l’Eglise subit le Grand Schisme d'Occident ( 1378-1417 ), le retour à l’observance primitive de la règle de Saint François se dessine. Une querelle se déclenche alors entre les membres de l’Ordre les Conventuels et ceux qu’on va bientôt appeler les Observants. Le mouvement de l’Observance s’affirme, s’étend et s’impose, sous l’impulsion de gens comme Colette de Corbie ( 1381-1447 ) que la Pucelle connaissait bien, et Bernardin de Sienne ( 1380-1444 ).

Colette de Corbie, la "Mère Nicolette"

La crise politique au sein de l’Eglise se poursuit, et le concile de Bâle ( 1431-1441 ) voit s’affronter les tenants d’un pouvoir pontifical fort ( dont les Observants ) et les partisans d’une participation plus active de l’assemblée des clercs à la direction de l’Eglise, conformément à la théorie conciliariste. Les théologiens favorables à cette dernière théorie défendent généralement aussi l’idée de l’immaculée conception de la Vierge. Le pape Pie IX développe la doctrine sur ce point et procède à la définition d’un dogme sur le sujet de manière solennelle le 8 décembre 1854, par la bulle Ineffabilis Deus. Par ses relations avec les religieux franciscains et Colette de Corbie en particulier, on peut définir les idées de la Pucelle dans le contexte religieux de son époque. Les Armagnacs, le clan de la Pucelle, sont plutôt proches des aristocrates du centre et du sud de la France et des milieux financiers, alors que les Bourguignons sont proches des aristocrates des autres régions et des milieux marchands.
De plus, le clan Armagnac développe un programme avec l’application d’une fiscalité importante donc moins populaire. Il soutient l’idée d’une justice radicale. C’est l’Etat puissant, inspiré par l’expérience des Marmousets ( juristes et financiers conseillers de Charles VI comme Jean Juvénal des Ursins ) avec un pouvoir royal plus fort face aux féodaux. C’est le parti du dauphin.
Rien donc pour la défense du peuple dans ces constatations... Cette idée de la Pucelle défenseur du peuple vient de l’observation du fait que ses partisans au Conseil du Roi ne la soutenaient pas dans ses allusions aux pratiques sociales des Templiers. Les conseillers du roi estimaient sans doute qu’il ne relevait pas des attributions de Jeanne de faire valoir l’action des moines disparus. Ils ne voulaient pas entendre parler de connivences entre le peuple et le bas-clergé comme le sous-entendait sans doute la Pucelle.

En effet, ces grands seigneurs et hauts dignitaires ne veulent pas imaginer un régime comparable à celui de l’Angleterre, avec une volonté royale limitée par une assemblée permanente composée de représentants de la nation. La Pucelle peut aussi entendre que les Templiers sont un exemple à suivre de développement du commerce et des transactions financières pour parer à l’influence marchande bourguignonne. Certains auteurs confondent l’étendard de la Pucelle avec le Beauséant des Templiers ou encore avec l’étendard des missions franciscaines.
La confusion avec le Beauséant permet d’accréditer une connivence éventuelle de la Pucelle avec les idées de l’Ordre du Temple.

Jeanne d'Arc, qui met son étendard à l’honneur lors du sacre, dit elle-même qu'il est blanc et semé de lis, qu'on y voit le monde et deux anges aux côtés avec cette inscription : JHESUS, MARIA.

Les deux faces de l'étendard de la Pucelle

Cette expression, le monde, est expliquée : c'est Dieu tenant le monde ! Le dessin du revers nous est donné par Perceval de Cagny :

"La Pucelle print son estendart ouquel estoit empainturé Dieu en sa Majesté, et de l'austre costé ..., et ung escu de France tenu par deux anges".

La Pucelle développe apparemment des idées plus progressistes ou plus modernes, que celles de l’entourage du Dauphin, qui est constitué d'aristocrates plutôt très conservateurs.Mais celles-ci sont en contradiction avec ses propres idées du Dieu premier servi...

En effet, on conçoit mal que la Pucelle puisse imaginer que ses conceptions soient discutées par une assemblée de représentants du peuple. Si l’on admet que la Pucelle est un politique, il est difficile de dire qu’elle a fait le choix d’une doctrine sociale ou d’un projet de société populaire, sauf à considérer ses missions qui touchent néanmoins plus au choix du souverain ou à la libération territoriale plutôt qu’à des revendications sociales. Nous reviendrons sur les missions de la Pucelle.

V. La détermination des origines des missions de la Pucelle dans l’histoire johannique :

Les armoiries de la Pucelle

L’accord est depuis longtemps établi entre les historiens pour admettre que Jeanne entreprend sa mission essentiellement pour atteindre deux ou trois buts :

D’une part, obliger les Anglais à quitter le territoire national,
Et d’autre part, obtenir le couronnement du roi.
Libérer la ville d’Orléans est un troisième but souvent évoqué.
Certains auteurs déterminent d’autres missions que nous relevons également.

Nous avons un historien, Choussy, qui prétend que la mission de la Pucelle ne va pas au-delà de Reims et qui, pour cela, développe des études très intéressantes. Cet auteur prétend que la lettre de Jeanne au roi d’Angleterre est apocryphe. Cette lettre prétend que la Pucelle a reçu de Dieu l’ordre de chasser elle-même les Anglais de France. Cet auteur courageux, pratiquement seul contre tous, veut contredire les nombreux historiens qui pensent que la Pucelle n’a pas atteint les buts de sa mission.
Les missions de la Pucelle s’inscrivent donc dans l’environnement personnel de la Pucelle, environnement d’idées d’ordre familial ( libérer le duc d’Orléans ), successoral ( rejet des femmes en matière de dévolution de la couronne ), diplomatique ( le Traité de Troyes ) et partisan ( le parti-pris pour le comte de Ponthieu ) comme nous l’avons vu. Les historiens nous présentent le sujet des origines des missions de la Pucelle de façon diversifiée sans étude systématique et font ressortir les deux buts précités que l’on peut considérer comme principaux :
Chasser les Anglais et couronner le roi.
Le deuxième objectif a ceci de commun avec le premier que sa poursuite est également en contradiction avec le Traité de Troyes.
On note que si le Dauphin s’est vu interdire l’accès au trône, il ne peut être question pour lui de recevoir le couronnement. Il est d’ailleurs parfaitement au courant de cette impossibilité en regard de la mise en cause de sa légitimité et des circonstances politiques.

Le sacre est un sacramental et non un sacrement, c’est-à-dire selon le catéchisme de l’Eglise: " La sainte Mère Église a institué des sacramentaux, qui sont des signes sacrés par lesquels, selon une certaine imitation des sacrements, des effets surtout spirituels sont signifiés et sont obtenus par la prière de l'Église ".
Par eux, les hommes sont disposés à recevoir l'effet principal des sacrements, et les diverses circonstances de la vie sont sanctifiées.
On distingue :
les sacramentaux majeurs qui concernent les personnes, comme le sacre ou la bénédiction d'un père abbé, d'un prêtre juste ordonné…

et les sacramentaux mineurs qui concernent surtout les objets.

Cette cérémonie du sacre a pour objet d’élever le roi au-dessus du reste des laïcs. Il devient un personnage sacré. Il n'est plus considéré comme un pur laïc mais « il approche l'ordre sacerdotal » c'est-à-dire des prêtres. Il peut communier sous les deux espèces ( pain et vin consacrés ), comme les clercs. Ce statut sacré rend le roi inviolable. Tout attentat contre sa personne est puni avec une très grande sévérité. Le coupable est accusé de régicide, torturé et exécuté, même si le roi n'est que blessé et que la blessure est légère.
Le sacre a également pour but de restaurer l'antique sacre catholique des Rois de France, en restituant ainsi dans son principe transcendant le vrai pouvoir temporel de Dieu sur terre. La Pucelle est constante dans son idée du « Dieu premier servi ».

Mais le sacre pose un problème juridique : le sacre fait-il le roi ?

Dans l'opinion des juristes royaux, depuis la mort de Saint Louis, le sacre n'a plus de valeur constitutive. Dès la mort du roi, l'armée a reconnu Philippe le Hardi comme successeur, même si le sacre n'a eu lieu qu'un an plus tard en 1271. Cependant dans l'opinion populaire médiévale, le roi reste celui qui est sacré et c’est justement la publicité que cherche la Pucelle à défaut d’une reconnaissance légale du Dauphin entravée par le Traité de Troyes.
Le couronnement du Dauphin est un acte politique pour prendre de vitesse le parti adverse.

LE COURONNEMENT DE CHARLES VII, PAR LENEPVEU

Une théologie du « sang royal » s’est développée dans la monarchie Française à l’époque médiévale : sitôt le roi mort, son successeur devient roi pour éviter que le trône ne soit vacant. C'est l'application au droit public de la formule de droit privé « le mort saisit le vif », qui aboutira à la célèbre maxime : « le roi est mort, vive le roi ». Cette maxime deviendra une loi fondamentale du royaume à partir de 1575. Dans le cas du Dauphin, les doutes sur sa filiation, de notoriété publique, ne lui permettent sans doute pas de se faire couronner dans des circonstances habituelles.

Le couronnement, qui ne désigne pas le roi mais le confirme en quelque sorte, est donc simplement une opération politique menée par la Pucelle pour affirmer la prise du pouvoir par le dauphin qui ne peut pas accéder au trône à cause du Traité de Troyes.

Nous pouvons faire parler la Pucelle sur ses missions et sur l’origine de ses dernières par l’intermédiaire des témoins de son aventure :

- Des témoins affirment lors du procès dit de réhabilitation que Jeanne exprimait simplement sa propre volonté : Jean le Fumeux, chanoine de Vaucouleurs et curé d’Ugny, Geoffroy Dufay, chevalier attaché à Baudricourt, Albert d’Ourches et Durand Laxart. L’origine divine n’est évoquée par aucun de ces témoins.

- Deux témoins prétendent que la Pucelle voulait accomplir la prophétie de Merlin. Il s’agit de Catherine Le Royer et de Durand Laxart à nouveau.

- Trois témoins racontent que Jeanne agissait de la part de Dieu. Bertrand de Poulangy, Jean de Metz et Henri Le Royer font ce récit. Aucune allusion aux voix dans ces témoignages. Cependant lors de son procès la Pucelle affirme avoir parlé de ses voix à Poulangy !

- Trois témoins font intervenir les voix dans leurs récits. Baudricourt, Poulangy et Jean de Metz font intervenir les voix sous la forme des frères du Paradis. Les saints de l’Eglise n’interviennent pas encore dans ces témoignages. Peu de renseignement sur l’objectif de la mission sinon des justifications de l’engagement de la guerre contre l’Anglais.

- Jeanne fait allusion à ce qui la motive en stipulant au roi lors de sa présentation à Chinon qu’elle est envoyée de par le roi des Cieux ; elle prétend lever le siège d’Orléans et faire sacrer le roi à Reims. Le duc d’Alençon indique que Jeanne « avait des voix et un conseil qui lui disait ce qu’elle avait à faire ». Le récit de Jean Pasquerel, qui est intéressant sur l’entrevue entre le roi et la Pucelle, ne fait pas allusion aux voix et au conseil, sans doute parce qu’il a une idée des dangers de tels propos dans la dualité théologique("Eglise triomphante – Eglise militante"). Jean Pasquerel est un ecclésiastique très réservé qui appartient à l’ordre des ermites de Saint Augustin (ou Ordo Eremitarum Sancti Augustini) qui forment un ordre mendiant appelé aussi ordre des grands Augustins. Il évoque ainsi les paroles de la Pucelle s’adressant au roi : « Vous mande le roi des cieux par moi » ce qui suppose une relation entre Dieu et la Pucelle.
La mission comporte ici quatre points :
chasser les Anglais, couronner le roi à Reims, délivrer le duc d’Orléans et faire lever le siège de la ville d’Orléans.

- Le témoignage de frère Seguin Seguin lors du Procès de Poitiers est aussi différent. Jeanne reçoit des communications d’une voix d’après ce témoin. Le procès de condamnation tel qu’il nous est retranscrit fait allusion également aux voix. La Pucelle emploie le singulier ou le pluriel pour qualifier le phénomène ainsi que le terme de "visions". La mission de la Pucelle consiste, comme pour le témoignage précédent, en quatre points pour ce témoin, à savoir : la libération d’Orléans, le sacre du roi à Reims, la prise de Paris et la délivrance de Charles d’Orléans.

- Selon le témoignage de la Pucelle elle-même au procès de condamnation le 22 février, nous avons sa déclaration qui porte sur une voix qu’elle qualifie " d’envoyée de par Dieu ". Jeanne en rajoute en stipulant « J’ai connu que c’était la voix d’un ange. Cette voix m’a toujours bien gardée ».

"Saint Michel guide Jeanne"

- Toujours selon le témoignage de la Pucelle au procès de condamnation le 27 février, nous avons une déclaration contradictoire, à savoir : « Cette voix, c’était celle d’un ange ? Ou bien de Dieu sans intermédiaire ? » Oursel nous dit : « C’étaient les voix de sainte Catherine et sainte Marguerite ». Ensuite Jeanne précise toujours d'après Oursel : « Voilà bien sept ans qu’elles m’ont prises pour me gouverner » et c’est la première intervention des saintes. Le 27 février la Pucelle va introduire saint Michel devant ses juges en expliquant que ce saint Michel lui a parlé avant que les voix n’interviennent. Or, saint Michel qui est l’une des voix est une déclaration contradictoire de la Pucelle pour qui, nous l’avons vu précédemment, l’ange est la voix !

- L’information posthume datée du 07 juin est contradictoire avec tous les éléments précédents. Il s’agit des sept juges qui viennent le 30 mai une ultime fois interroger et exhorter la Pucelle qui déclare, et abjure à nouveau, que ses voix l’ont trompées, qu’elle était elle-même l’Ange qui apporta la couronne à Charles VII et qu’elle demande pardon à tous ceux à qui elle a pu causer du tort et qu’elle se soumet enfin entièrement à l’Eglise, comme à ses représentants et à ses juges. L'abjuration est la rétractation de ses propres convictions, presque toujours obtenue sous la torture, qu'un hérétique écrit sous forme solennelle face au conseil de l'inquisition. Les abjurations auxquelles était soumis un hérétique étaient toujours au nombre de deux car à la première devait suivre, de par loi, une seconde de confirmation. Normalement le temps qui passe entre les deux abjurations est d'un an. L'hérétique qui refuse de signer la seconde abjuration est considéré relaps, c'est-à-dire « hérétique irréductible » et comme tel brûlé vif.
Les notaires-rédacteurs ont refusé de signer le procès-verbal de cette séance sous prétexte qu’ils n’y avaient pas assisté.

Cette seconde abjuration de Jeanne qui n’est donc pas officielle, permet simplement de constater qu’elle se range alors aux ordres de l’Eglise militante plutôt qu’aux ordres de l’Eglise triomphante, à savoir les saints du Ciel, en reniant ses précédentes déclarations. C’est difficile de se faire une idée précise sur l’existence de la voix, des voix, des visions, de l’ange, des saints et, en conséquence, sur les origines des missions de la Pucelle. On comprend que les juges soient restés plutôt dubitatifs.
La Pucelle a été condamnée comme hérétique ce qui signifie que l’Eglise n’a pas considéré que son intervention est d’origine divine.
Lors du procès dit de réhabilitation en 1456, la Pucelle n’a pas été déclarée inspirée ou porteuse d’un message, et ses apparitions s’il y en eut ne sont pas validées, et elle n’est pas qualifiée de sainte, bienheureuse ou même vénérable.

Lors de sa canonisation, Jeanne est déclarée sainte, en qualité de vierge et non de martyre, au propre de France (c’est-à-dire qu’elle ne figure pas dans le calendrier de l’Eglise universelle).

L’Eglise ne reconnait pas la qualité de martyre de la Pucelle bien que l’ayant officiellement fait brûler. L’aspect miraculeux des voix n’est pas avancé par l’Eglise qui ne les reconnait tout simplement pas. On comprend que Pierre de Sermoise, qui est l’auteur d’un magnifique ouvrage intitulé « Les missions secrètes de Jehanne la Pucelle », qualifie à raison les missions de Jeanne de secrètes.

L'ouvrage de Pierre de Sermoise

En effet, la difficulté pour qualifier les missions de Jeanne est telle que l’on peut simplement stipuler qu’elles ont existé par les témoignages que nous en avons et qu’elles sont sans doute secrètes, à défaut d’avoir été énoncées publiquement.

Mais on ne peut affirmer, comme le font certains historiens, que l’on a une connaissance précise des pensées de la Pucelle en la matière.

En ce qui concerne les objectifs des missions, les deux témoins précités, le duc d’Alençon et frère Seguin Seguin ne sont pas d’accord, mais on recense cinq missions à leur connaissance au total. Par contre, nos historiens contemporains s’accordent pour ne reconnaître en général que trois missions et suppriment ainsi la prise de Paris et la délivrance du duc d’Orléans.
L’histoire « officielle » qui ne peut nous expliquer sans difficulté pourquoi la Pucelle se donne pour but de faire délivrer le duc d’Orléans préfère supprimer l’évocation de cette mission !
Il en est de même pour la prise de Paris qui est un échec de la Pucelle et que l’on passe ainsi sous silence. Au-delà de l’origine des missions, nous pouvons établir des comparaisons entre les missions et les résultats obtenus par la Pucelle pour nous apercevoir à nouveau que les historiens racontent des faits qui ne sont pas vérifiables sur le plan historique.
Ainsi la Pucelle n’a pas libéré la " France " car la guerre a continué vingt-trois ans après la cessation de son activité militaire. Soutenir que Jeanne a été l’initiatrice de la victoire finale, pour avoir réveillé les énergies nationales est abusif car après le sacre de Reims elle dispose seulement d’une centaine de mercenaires italiens à son service. Autant dire que très peu de monde est disponible pour soutenir la Pucelle, mais les diplomates de Charles VII sont à la manœuvre.

VI. La Pucelle est jugée par un tribunal ecclésiastique appelé l’Inquisition :

UN PROCES D’INQUISITION

Les historiens nous enseignent que Jeanne a été victime d’un procès politique diligenté par les Anglais alors qu’elle est jugée par l’Inquisition qui a exigé la livraison de la prisonnière et la tenue du procès. Dès le 26 mai, le vicaire général de l’Inquisition a réclamé au duc de Bourgogne la livraison de Jeanne aux mains de la justice d’Eglise, pour lui faire son procès.

L’Université de Paris, sur l’initiative de la Faculté de théologie, fait parvenir deux courriers au duc de Bourgogne pour réclamer également la Pucelle. Un autre courrier adressé à Jean de Luxembourg montre que l’Université ne souhaitait pas que la Pucelle soit délivrée par argent ou rançon. Jean de Luxembourg a mis du temps à transférer Jeanne aux Anglais parce que le gouvernement Anglais avait eu des difficultés à réunir les 10 000 francs de la rançon. Mais le paiement de la rançon est une chose et la justice d’Eglise en est une autre.
Les princes ne pouvaient pas ne pas se soumettre aux injonctions de l’Inquisition qui dépendait directement du Pape. Les Anglais détenteurs de la Pucelle auraient pu lui faire un procès civil, si l’Inquisition ne l’avait pas condamnée, pour rébellion contre leur pouvoir légitime.
Et ainsi l’éliminer, mais cela n’était pas le but recherché, car une procédure civile ne permettait pas de nuire à celui qui se prétendait le dauphin de France. L’inquisition, qui voulait juger la Pucelle comme une sorcière, pouvait rendre illégitime toute les prétentions du dauphin sacré roi par l’entremise d’une sorcière. L’Anglais n’avait pas besoin de diligenter un procès « politique » car l’Inquisition était capable d’obtenir de meilleurs résultats dans le domaine. De nombreuses explications sont nécessaires pour redresser les erreurs historiques sur le procès d’Inquisition.
Les historiens dépensent leur temps à chercher sans succès les vices de procédures au lieu de renseigner sur les termes de la procédure. Dès sa capture la Pucelle a été réclamée par l’Inquisition et par la puissante Université de Paris qui estimaient que seule l’autorité judiciaire religieuse était qualifiée pour obtenir réparation de ce qu’elles considéraient comme une atteinte à l’honneur de Dieu.
C’était un avantage pour la Pucelle car les juridictions d’Eglise avaient la réputation d’être beaucoup plus clémentes que les juridictions civiles qui étaient plus expéditives. Cela étant, Jeanne était prisonnière et vivante, et c’est sans doute sa qualité de princesse royale qui lui valut de n’être pas exécutée dès sa capture et par la suite de ne point être brûlée.
Le roi d’Angleterre se réservait le droit de récupérer la Pucelle, son prisonnier politique, qu’il tenait des Bourguignons si le tribunal d’Inquisition devait la relâcher. L’Anglais n’était donc pas certain que l’Inquisition allait condamner la Pucelle. La prisonnière fut donc mise à disposition du tribunal d’Eglise pendant la durée du procès. C'est donc un véritable tribunal d'exception qui fonctionne à partir de 1431.
La procédure d'inquisition permet en effet de se passer de l'accusation ou de la dénonciation pour poursuivre, sur simple soupçon, les hérétiques. C’est le 7 juillet 1438, par la Pragmatique Sanction de Bourges, que Charles VII supprime l'inquisition en France, c’est-à-dire après le procès de la Pucelle qui s’est déroulé en 1431. D’aucuns dénoncent un procès dirigé par les dominicains de l’Université de Paris et s’en inquiètent car la Pucelle appartenait au tiers-ordre franciscain qui était en rivalité avec les dominicains. Les franciscains étaient effectivement en fraternel conflit avec les dominicains, surtout depuis l’introduction de ces derniers dans les chaires de l'Université de Paris.

Ces deux ordres mendiants, fondés au XIIIe siècle, restèrent en opposition pour obtenir la mainmise sur l'Inquisition, notamment en Provence et à Florence en Toscane. L’Université de Paris est une véritable autorité morale à l’époque. Les docteurs de l’Université se prononcent sur des controverses fameuses comme la taxation des bénéfices ecclésiastiques par le Saint-Siège, et jouent un grand rôle au moment du Grand Schisme d’Occident (1378-1417). C’est le chancelier de l’université de Paris, Jean de Gerson, qui anime d’ailleurs le concile de Constance (1414-1418), qui met fin au schisme.

Jean Charlier de Gerson

Pendant la guerre de Cent Ans, l’Université soutient les Anglais et le parti Bourguignon. Son ancien recteur, Jean Beaupère, participe aux interrogatoires de la Pucelle. Nous pensons qu’il ne faut pas faire de différence sur l’appartenance des juges à différents ordres religieux dans une procédure d’Inquisition. On trouve d’ailleurs deux juges religieux appartenant aux franciscains, appelés en France les Cordeliers, ou encore les frères mineurs dans le procès de la Pucelle. Il s’agit de Jacques Guesdon, docteur en théologie, un des plus empressés à condamner la Pucelle les 19 et 29 mai, et de Jacques de Touraine, également docteur en théologie de l’Université de Paris.
L’évêque Cauchon était qualifié sur le plan du droit canonique et sur le plan du droit civil ou administratif pour juger la Pucelle parce qu’elle avait été capturée dans son diocèse, ce qui sur le plan canonique le désigne comme juge, et sur le plan administratif dans sa circonscription de Champagne, lieu du forum delicti ce qui le désigne également.
En effet, l’évêque Cauchon avait été nommé président de la commission d’administration provisoire de la Champagne depuis le 03 février 1428 par Bedford.
L’évêque Cauchon aura un co-président pour juger la Pucelle en la personne de Jean Le Maistre, représentant du Grand Inquisiteur de France. La formation juridictionnelle des tribunaux d’Inquisition comprend deux présidents, le premier étant effectivement l’Ordinaire du lieu (l’évêque du diocèse) et le second l’Inquisiteur compétent ou son représentant. Le tribunal d’Eglise qui juge la Pucelle se distingue par la qualité des intervenants et par leur nombre, tandis que l’on peut constater que les Anglais sont pratiquement absents de cette juridiction. Léo Taxil (voir cet auteur dans notre bibliographie) fait le relevé précis dans son livre des noms et qualités des ecclésiastiques présents au procès pour en montrer le caractère essentiellement religieux.

Le procès de Rouen selon Boutet de Monvel

Cent soixante ecclésiastiques ont pris part au procès de la Pucelle dont:

Un cardinal, sept évêques, onze abbés mitrés ( évêques dont le pouvoir d'ordre et de juridiction a été solennellement reconnu par la bénédiction abbatiale conférée par un évêque mandaté par le Saint-Siège ), quatre prieurs, quatre archidiacres, huit dignitaires de l’Inquisition, trente-et-un chanoines, soixante-quatre théologiens et docteurs de l’Eglise, cinq curés, trois moines, et vingt-deux prêtres.

On peut remarquer la qualité de l’effectif au nombre de dignitaires, de docteurs et de théologiens. Parmi les juges, nous trouvons de nombreux universitaires ou anciens universitaires parmi lesquels, six docteurs en théologie ce qui nous indique également le niveau des compétences religieuses des intervenants.
Plusieurs d’entre eux seront remarqués au concile de Bâle. Thomas de Courcelles recteur de l’Université de Paris en 1430 est l’un des promoteurs des libertés de l’Eglise gallicane. Malgré son implication dans le procès de Jeanne d'Arc, il sera un conseiller écouté par Charles VII et prononcera l'oraison funèbre du roi en 1461.
Les juges anglais sont au nombre de six, donc très minoritaires, ce qui nous confirme dans l’idée que le pouvoir politique et religieux anglais n’est que très faiblement représenté à ce procès. Même s’il est indéniable qu’un certain nombre de juges défendent les causes politiques ou dynastiques Bourguignonne ou Anglaise ou pour certains les deux à la fois (ou Bourguignonne et Française pour d’autres). La conclusion du procès est complexe, et dépend de l’état du prévenu et de ses dispositions :

- Les relaps, c’est-à-dire ceux qui ont été condamnés pour hérésie et qui rechutent dans l’hérésie, sont « livrés au bras séculier », c’est-à-dire brûlés. En particulier, les rejudaïsants sont considérés comme tels, et ceux qui, après avoir été fortement suspectés d’hérésie et abjuré, sont jugés de nouveau pour hérésie.

- Ceux qui sont déclarés hérétiques, mais qui n’abjurent pas, c’est-à-dire qui refusent de revenir dans le sein de l’Église catholique, sont brûlés également.

- Ceux qui sont violemment suspectés d’hérésie ou sont déclarés hérétiques, et qui abjurent sont emprisonnés à vie, avec l’emmurement à vie pour les cas graves.

- Ceux qui sont faiblement ou fortement suspectés d’hérésie, mais qui abjurent, sont condamnés à des amendes et ou des humiliations publiques, parfois à vie.

Mais la tradition de l’époque veut que l’on ne puisse pas répandre le sang royal car nous sommes dans une monarchie de droit divin. La conséquence directe de ce précepte dans le procès de la Pucelle est qu’il n’y a pas de séances de tortures au programme. Les tortures sont considérées comme licites depuis le milieu de XIIIème siècle pour l’Inquisition. Jeanne princesse du sang ou princesse royale ne pouvait donc subir la torture!

La peine capitale publique ne pouvait être infligée à la Pucelle parce qu’on n’exécutait pas les personnes du sang royal en public au Moyen-Age.

Le procès de condamnation procède au moyen de deux instances:

La première instance, que certains nomment la cause de laps, se déroule du 09 janvier au 24 mai 1431 et comprend deux parties : Le procès préparatoire ou procès d’office ( 09 janvier – 25 mars 1431 ) que l’on peut assimiler à l’instruction, Le procès ordinaire ( 26 mars – 24 mai 1431 ) qui procède au jugement avec les éléments de l’instruction.

La seconde instance judiciaire, qui se déroule du 25 mai au 30 mai 1431. Celle-ci qui est aussi appelée cause de relaps, est ouverte pour faire suite au non-respect par la prisonnière de sa parole donnée. De nombreux auteurs affirment que le port du vêtement masculin est l’objet de cette seconde instance alors que c’est véritablement le non-respect de la parole donnée en ce qui concerne évidemment le port de vêtements interdits par l’Eglise qui est à l’origine de la nouvelle procédure.

Le procès d’office débute le 21 février 1431 lors d’une première comparution et avec le refus de la Pucelle de jurer de dire la vérité, ou plutôt qui délimite de champ d’application de son serment, ce qui pouvait lui valoir un doublement de peine.
Plus grave, la Pucelle ne veut pas réciter en public la prière du " Notre Père " pour montrer son éducation religieuse, et le tribunal d’en conclure qu’il lui faut un confesseur pour l’assister dans la récitation de cette prière.

Les interrogatoires ne sont pas très révélateurs mais nous pouvons nous faire une opinion sur la personnalité de la prévenue. De multiples incohérences et des contradictions sont significatives pour le docteur Hartemann, dont nous citons le livre dans notre bibliographie.
Ce dernier pense que la Pucelle était atteinte de troubles névrotiques dont les indices révélateurs sont les suivants : refus de répondre à des questions élémentaires, larmes à tout propos, peur morbide du péché, tendance à la vaticination et à la mythomanie et à la manie de la contradiction.
La Pucelle donne une interprétation très matérialiste de ses apparitions sous forme sensorielle. Les juges ne rejetent pas à priori de telles apparitions mais ils savent que chez vrais mystiques la communication avec Dieu s’effectue généralement par la voie interne, sans que les sens soient les vecteurs de la transmission.

Avec l’interrogatoire du 17 mars prend fin en fait le procès d’office.
Et donc le procès ordinaire commence, qui se tient du 26 mars au 24 mai. L’acte d’accusation de soixante-dix articles qui est sans doute l’œuvre de Jean d’Estivet et des six docteurs est lu à la prévenue. La Pucelle a droit à un traitement de faveur car dans les procès en hérésie, on ne communique pas à la défense les éléments qui lui sont reprochés. La prévenue refuse l’offre qui lui est faite d’un avocat pour assurer sa défense, ce qui est encore là un privilège dans ce genre d’affaire.
La Pucelle nie tout ce qui lui est reproché, ce qui conforte le Tribunal dans l’opinion qui est sans doute la sienne depuis le 17 mars. Le 24 mai la Pucelle formule un recours auprès du souverain pontife et il lui est répondu que les Ordinaires ( évêques en charge d’un diocèse ) sont juges chacun en leur diocèse.
Nous ajoutons que dans les procès en matière de foi, la présence de l’Inquisiteur ou de son représentant désigné équivaut à une délégation papale.
Ensuite le juge procède à des consultations, à des exhortations et à la séance de l’abjuration, c’est-à-dire qu’il prend toutes les précautions d’un juge en la matière.
La cause de relaps est la reprise du procès sur de nouvelles bases dans une deuxième instance. Le juge Cauchon, qui a été le confesseur de la reine Isabeau de Bavière, et rédacteur du Traité de Troyes, est un défenseur de la légalité des engagements pris à Troyes. Sur la naissance de Charles VII l’Evêque détient, de par ses anciennes fonctions, des informations qui ne sont sûrement pas partagées par la Pucelle et que personne n’a intérêt à dévoiler. Il détient des informations sur la légitimité du Dauphin et sur l’identité de Jeanne.
Sur le plan religieux, la solution du Traité de Troyes est profitable à l’Eglise car l’idée de la double monarchie va permettre de réunir sous l’autorité spirituelle du pape les deux plus importants royaumes d’Occident.

On reproche à Cauchon d’avoir fait procéder à l’exécution sans avoir sollicité l’accord du pouvoir civil.

Nous ne possédons pas les actes judiciaires de passation et de transfert des pouvoirs religieux au pouvoir civil mais ces actes ont bien dû être émis par le greffe du tribunal qui a jugé la Pucelle !
Ou bien, et c’est ce que nous croyons, s’il n’y a pas de procès-verbaux ecclésiastiques ou séculiers constatant la livraison à l’autorité séculière et le supplice, c’est tout simplement parce que la Pucelle n’a pas été suppliciée ! Cette raison de ne pas croire au supplice de Jeanne a été corroborée plus tard par les documents constatant son retour dans son pays, à Orléans et ailleurs.
Il ne faut pas méconnaître le fait que le pouvoir civil était dans la dépendance totale du pouvoir judiciaire religieux et donc que le pouvoir civil n’a pas à dire son mot. Si ce n’est pas la Pucelle qui a été exécutée, il y a eu de toutes les façons une exécution d’une des sorcières détenue par l’Inquisition, mais les historiens doivent mieux nous renseigner sur les structures juridictionnelles au Moyen-Age.
Les conclusions du procès sont évidemment très lourdes, car la prévenue est coupable et jugée irrécupérable. L’accusation de sorcellerie a été abandonnée par les juges car sa virginité ne permet pas de faire prospérer une telle action.
Cette dernière accusation, si elle s’était concrétisée, aurait été très grave pour la notoriété du dauphin Charles devenu Charles VII, et capable de jeter la suspicion sur le monarque de droit divin. Ce dernier ne pouvait pas conserver sa légitimité royale après avoir été intronisé par une sorcière.
L’accusation d’hérésie est confirmée, et nous pouvons noter qu’il est difficile de contester le caractère hérétique des idées de la Pucelle, car son hétérodoxie est présente tout au long du procès. Déjà dans la demande d’extradition que le Vice-inquisiteur adresse au duc de Bourgogne, il est dit expressément que la captive est « véhémentement soupçonnée de plusieurs crimes sentant l’hérésie ».
Cette accusation est reproduite dans la lettre que le Grand Inquisiteur de France Jean Graverand adresse à son auxiliaire Jean Le Maistre, afin de lui demander de vouloir bien siéger à sa place. Elle est longuement commentée dans les rapports des experts et elle est énoncée dans chacune des sentences des causes de laps et relaps.
Elle est rappelée dans la circulaire que le tribunal adresse aux principales puissances du monde chrétien à l’issue du dernier procès.

Les membres de l’Église se trouvent, partie au ciel, et ils forment l’Église triomphante ; partie au purgatoire et ils forment l’Église souffrante ; partie sur terre, et ils forment l’Église militante.

L'église triomphante

Dans la religion catholique le Magistère de l’Eglise ( du latin magister, « celui qui enseigne, le maître » ) désigne l'autorité en matière de morale et de foi de l'ensemble des évêques et spécialement du pape, sur les fidèles catholiques. Nous voyons bien qu’entre ce Magistère de l’Eglise et les voix auxquelles la Pucelle fait référence, et qui la conseillent, il y a matière à réflexion pour les théologiens et docteurs de l’Eglise, d’autant plus que ces derniers ne valident pas l’aspect surnaturel des voix. Le thème du caractère irrécupérable de la cause de la Pucelle doit d’être évoqué pour illustrer ce type de procès.

A cause des positions prises par certains historiens, dont Quicherat et Michelet, on croit aujourd’hui que c’est l’Eglise, et par la suite Cauchon, qui est responsable de la mort de Jeanne d’Arc! Sans que l’on puisse concevoir que l’accusée puisse avoir sa part de responsabilité. Dans un procès d’Inquisition, l’Eglise tient son rôle d’accusateur mais aussi de rédempteur, ce qui n’est jamais évoqué. De plus, dans un procès de cette nature, c’est l’accusé qui par ses dialogues avec ses juges installe la trame judiciaire. A la fin de l’instance, l’Eglise joue le jeu de la puissance rédemptrice en essayant de provoquer l’amendement du coupable plutôt que de procéder à sa condamnation.
Les termes du procès sont éloquents pour montrer les efforts des juges et leur esprit de conciliation. Il y a loin donc entre le procès d’Inquisition et la thèse du procès politique sans pitié défendue par nos historiens.

Le procès de condamnation a atteint le pouvoir royal. La Pucelle ayant été condamnée comme hérétique et relapse, et Charles VII n’ayant commencé à recouvrer son royaume que grâce à elle, il s’ensuit que, selon les déclarations des docteurs et maîtres de l’Université (dont l’opinion s’exprime par la bouche du frère prêcheur Guillaume Erart) l’honneur des Lys se trouve entaché d’hérésie.
Mais comme le signale très justement André Cherpillod :
« la cour d’Angleterre n’utilisa pas la conclusion du procès de 1431, qui lui aurait pourtant permis de déclarer hautement l’illégitimité du sacre de Reims. On craignait probablement que fût découverte la parenté de Charles VII avec la Pucelle, ce qui aurait jeté la suspicion sur la légitimité du roi de France, ainsi que sur celle de sa sœur Catherine de France, mère d’Henri VI, roi d’Angleterre ».
L’Evêque Cauchon aurait joué double jeu, en condamnant spectaculairement Jeanne afin de satisfaire les Anglais, tout en épargnant à une princesse de sang royal la torture et la mort. Il est d’ailleurs soupçonné par l’Université qui, après le procès, fait ouvrir une enquête contre lui, après lui avoir reproché la lenteur de la procédure.
Charles VII n’a sans doute pas intérêt non plus à réagir sachant sa demi-sœur vivante d’une part, et d’autre part, en considération de l’évolution de ses relations avec les Bourguignons.

Jeanne reste encore neuf mois dans sa prison après sa condamnation selon William Caxton, avant d’être transférée vers d’autres lieux. Charles VII, voulant faire disparaitre la flétrissure dont l’Eglise l’a marqué, s’efforce d’obtenir l’annulation du procès.
Les historiens qui nous content que cette intervention du roi avait pour objet de faire rendre justice à celle qui l’a aidé dans la conquête du pouvoir n’ont pas compris les difficultés du pouvoir royal de l’époque.

VII. Le procès de réhabilitation de la Pucelle introduit la faute des Anglais pour nos historiens.

Après la faute de l’Eglise et la faute de Cauchon nous avons alors aussi la faute des Anglais que certains mettent en avant!
L’incohérence est totale dans le petit monde des historiens de l’histoire « officielle »... Les circonstances politiques de ce second procès sont complexes.
A cette époque les affaires de l’Eglise sont diplomatiquement sensibles pour le royaume de France. Il y a alors deux papes et un antipape qui se disputent le siège apostolique.

L’antipape Félix V a accepté en 1438 l’édit promulgué par Charles VII appelé " Pragmatique Sanction ", qui affirme la supériorité des évêques, réunis en concile, sur le pape. Cette ordonnance reprend, avec quelques modifications, une vingtaine de décrets pris par le concile dans l'esprit duquel elle s'inscrit et donne un statut particulier à l'Église de France.

La pragmatique sanction

Elle constitue en quelque sorte une alliance entre le souverain et le clergé, et limite les prérogatives du pape en réaffirmant la suprématie des conciles qui ont clairement défini les pouvoirs du Saint-Siège.
En 1452, Nicolas V est désireux de voir l’Eglise de France retrouver son statut antérieur à la Pragmatique Sanction, dont il souhaite l’abolition. Il envoie alors un légat apostolique, le cardinal Guillaume d’Estouteville, à Charles VII, pour régler la question.

Guillaume d'Estouteville

Charles VII prend contact avec ce dernier, légat du pape en France depuis 1451 et " persona grata " près du pontife romain, pour obtenir l’ouverture d’une nouvelle instance.
Ce cardinal avait pour mission de négocier la paix avec l’Angleterre ainsi que la future croisade contre les Turcs ; il était soucieux de se concilier la protection du roi de France, et pour se faire accepte d’ouvrir en sa qualité de légat une enquête, en accord avec maître Jacques Bréhal, Inquisiteur du royaume.
De son côté Charles VII facilite le transfert du cardinal au siège épiscopal de Rouen. Le procès de réhabilitation est enfin accordé par le pape Calixte III, successeur de Nicolas V, après quatre ans d’insistance du conseil de Charles VII qui n’agit, ce qu’il faut bien reconnaitre, que par intérêt politique.

Au terme de l’information canonique qui fait suite à ce procès, le cardinal d’Estouteville et le dominicain Bréhal stipulent que ce sont bien les " Anglais " et non pas l’Eglise qui ont brûlé Jeanne.
Les membres désignés par le pape Calixte III sont le fameux Jehan Juvénal des Ursins, devenu archevêque de Reims, Guillaume Chartier, évêque de Paris, Richard Olivier, évêque de Coutances, et Jacques Bréhal, Grand Inquisiteur de France.
Les docteurs survivants du procès de la Pucelle, piliers de l’Eglise de France, ne sont pas mis en cause. On charge sans scrupules ceux qui sont morts, comme Pierre Cauchon et le promoteur Jean d’Estivet.
Pour sauvegarder la dignité de l’Eglise, on s’accorde à déclarer que l’Université de Paris a été trompée par les douze articles de l’acte d’accusation de l’évêque de Beauvais.

Jean Juvénal des Ursins

On " oublie " complètement de convoquer les anciens collaborateurs de Monseigneur Cauchon, comme maître Raoul Roussel devenu pourtant archevêque de Rouen, ainsi que le frère Jehan Le Maistre, toujours Vice-Inquisiteur de la foi.
La procédure est donc plutôt curieuse qui n’interroge pas deux des principaux témoins.
L’instruction, conduite par le Grand Inquisiteur Jean Bréhal, est plus spectaculaire qu’approfondie, car un nombre élevé de dépositions sont recueillies parmi les contemporains de Jeanne toujours vivants, mais qui doivent se contenter de répondre à des questionnaires préétablis, sans digressions ni additions.
Ce procès présente de nombreuses fautes de rédaction, des variantes d’interprétation et même des erreurs de prénoms et de noms.
Quicherat remarque que les expéditions authentiques sont sorties du greffe sans avoir été collationnées, les greffiers se déchargeant auprès de commis de leurs travaux. Certains acteurs du procès de condamnation sont versatiles. Et certains membres du premier procès se montrent alors vingt-cinq ans plus tard tout aussi disponibles pour réhabiliter celle qu’ils ont condamnée.
Les enquêtes sont négligées dans plusieurs cas importants; Ainsi les dépositions des témoins du procès de la Pucelle sont reçues par des substituts des greffiers qui n’apportent pas grande minutie à leur tâche...
Et, chose plus grave, non seulement on ne trouve pas les dépositions de tous les témoins appelés, mais un seul des juges survivants, Thomas de Courcelles est interrogé.

Or, justement, les réponses de ce juge du premier procès sont en contradiction avec le texte rédigé par lui vingt-cinq ans plutôt.

Les consultations doctorales sont reçues verbalement et, au lieu d’être spécifiées une par une, groupées en un seul récit.
Enfin, on n’a ni produit l’examen de Jeanne, ni cité les témoins pouvant en parler. C’est à ce procès de réhabilitation que furent officiellement maquillés le caractère et la personne de Jeanne. De même que les juges s’efforcèrent de prouver que l’Université avait été induite en erreur par Cauchon, ils s’efforcent de prouver que Jeanne n’était qu’une simple d’esprit, qui n’avait rien compris aux questions qui lui avaient été posées.
Ils veulent surtout établir que lorsqu’elle avait refusé d’obéir à l’Eglise militante, c’était parce qu’elle n’avait pas compris.
Ce second procès a donc pour objet de faire connaître que Jeanne est venue au secours du roi de France, non par suggestion diabolique, mais par inspiration céleste. En conséquence on s’efforce de montrer qu’elle n’avait pas d’esprit, pour que l’Esprit Saint fût plus manifeste en elle.
Cependant sur le fond, il faut comprendre ce que Polluche écrivait à Orléans au XVIIIème siècle au sujet de la canonisation de la Pucelle :
« Si les commissaires délégués par Calixte III n’ont pas divulgué l’heureuse solution des évènements, c’est que leur commission n’était pas de montrer que Jeanne avait échappé à la mort à Rouen, mais d’examiner si l’on avait eu raison de l’y condamner… »
Le Grand Inquisiteur de France communique à ce procès, comme preuve de la mission divine de la Pucelle, la prophétie de Merlin l’Enchanteur qui prédit sa venue.
Il observe que Jeanne a pour la première fois entendu des voix à l’âge de treize ans, et remarque que le chiffre 13 étant composé du chiffre 3, qui signifie la Trinité et du chiffre 10 qui signifie une parfaite observation du Décalogue, cela signifie que tout cela est "remarquable" !
Pour répondre à la cause de ce procès, les Frères Prêcheurs de Beauvais et d’Evreux, ralliés à Charles VII depuis de nombreuses années, sont interrogés. Le Dominicain Renaud Bredouille déclare que les douze articles de la procédure ne lui paraissent pas conformes à la vérité et que les choses n’ont pas été instruites lors du premier procès par Monseigneur Cauchon de la manière qu’il l'a relaté ; le moine ajoute que son intention est de ne plus comparaitre au procès et qu’il s’en remet à la conscience des témoins afin que leur serment ne fût en aucun cas affecté par cette décision.
Le procès de réhabilitation est une comédie judiciaire non faite pour réhabiliter Jeanne comme beaucoup d’historiens le prétendent, mais pour ôter de l’hermine de Charles VII la tache du procès de condamnation.

VIII. Les sources de la saga de la Pucelle sont contestables :

Sur Jeanne d’Arc nous avons fort peu de documents indiscutables sur lesquels l’historien sérieux peut s’appuyer en toute sûreté. Nous avons trois documents seulement, qui sont de par leur origine d’une incontestable valeur : les comptes de la Ville d’Orléans, le procès de condamnation et le procès de réhabilitation.
Il en est d’autres certainement précieux du point de vue anecdotique, documentaire, mais qui ne sont pas des documents officiels. L’erreur, et le peu de crédit que l’on peut accorder aux historiens « théologiques » en particulier, c’est qu’ils ont en général dédaigné, ou peu tenu compte des pièces officielles, pour s’appuyer sur des mystères écrits en vers latins ou français 70 ou 75 ans après la mort de Jeanne.
Or, sitôt après cet évènement, on voit courir les plus invraisemblables légendes sur la Pucelle. Enregistrées par des scribes armagnacs et bourguignons pour le compte de seigneurs qui commandent ce genre de travaux, ces mystères et ces légendes se ressentent naturellement de l’esprit qui domine alors les partis en lutte.

Les chroniques de l’époque sont précieuses, mais comme pour beaucoup de faits, leurs auteurs se contredisent souvent et il faut les consulter avec la plus grande circonspection. Les minutes en français du procès de condamnation sont perdues (ou détruites) mais partiellement retrouvées dans plusieurs documents. On n’en possède qu’une copie probable partielle dite " manuscrit d’Urfé ", qui commence au 13 mars 1431.
L’Evêque Cauchon a mis plusieurs années avant de transmettre les copies notariées signées de la traduction en latin du procès: Or les différences avec le manuscrit d’Urfé sont importantes.

Le manuscrit d'Urfé

On ne peut exclure que d’autres modifications ont été apportées aux interrogatoires. Dès le XVe siècle, des feuillets et cahiers du manuscrit d’Urfé sont perdus, et le désordre est accru par les ajouts copiés au XVIe siècle. En 1957, le Père Doncœur obtient que la reliure en soit démontée...
Il sépare les pièces du XVe des compléments du XVIe et reclasse les cahiers et prend le manuscrit comme base des éditions qu’il fit des pièces du procès.
Le compte-rendu des audiences du procès, après chaque séance, est rédigé au bon vouloir des notaires. Les réponses de la Pucelle ont été résumées, amalgamées, réunies, associées ou omises suivant les circonstances.
Les notaires ne sont pas les greffiers d’aujourd’hui, et les réponses sont interprétées, classées ou reclassées dans le but de rendre ce procès lisible. Les notaires composent alors des témoignages sans aucune obligation de transcription littérale. Les moyens techniques de l’époque, c’est-à-dire une transcription à la plume, ne permettant pas de récupérer tous les discours des acteurs du procès.
Selon le témoignage de Manchon, des incohérences sont remarquables dès l’instant du procès. Les observateurs de Cauchon et Beaupère ne sont pas toujours d’accord avec la rédaction des notaires. Le texte définitif est un texte qui porte la marque de Monseigneur Cauchon, collationné sous son autorité, et qui est le fruit de concessions réciproques entre différents rédacteurs et observateurs.
Le seul document authentique est représenté par l’exactitude des copies de la traduction latine du compte-rendu en français, à supposer que le support soit authentique, au sens où on l’entend aujourd’hui, ou simplement réel, ou fidèle…
Ce précédent document vient habilement remplacer la minute française disparue, mais les auteurs de cette traduction latine ne sont autres que Manchon, Thomas de Courcelles et Cauchon, ce qui nous permet d’avoir des doutes sur la véracité de ce texte...
Nous devons considérer que les historiens n’ont pas à leur disposition un compte-rendu ayant un caractère judiciaire authentique, ou plus prosaïquement exact, exhaustif et complet du procès.
Ceux qui prétendent le contraire et ceux qui croient le contraire ne sont pas sérieux. Dans ce domaine la croyance s'est généralisée, et c’est pour cela que nous avons ouvert ce chapitre.

En ce qui concerne le procès dit de Poitiers de mars 1429, nous n’avons aucun document à notre disposition.

Lors de cette instance, Jeanne est soumise par ordre du Conseil royal à l'examen d'une commission de théologiens et de canonistes réunie à Poitiers pendant trois semaines ; cet examen conclut à l'authenticité de sa foi, tandis que des " matrones " confirment sa virginité, preuve qu'elle n'entretient aucun commerce avec le diable.
Nous sommes dans un procès d’Eglise, même s’il est ordonné par le pouvoir royal, et nous savons que s’agissant d’une affaire d’Etat, l’Eglise conserve toujours une archive. Jean Jouvenel des Ursins remplace en 1449 à l’archevêché de Reims son frère Jacques, qui se voit pour sa part attribuer l’évêché de Poitiers, tandis que leur autre frère, Guillaume, occupe le poste de chancelier de France! Il est donc le ministre de la justice...
Ces trois frères se retrouvent donc en même temps possesseurs des trois exemplaires de la « minute » du Procès de Poitiers, au moment où ceux-ci disparaissent. Le compte-rendu de ce procès qui ne comporte pas les mêmes conclusions que le procès de condamnation de l’Inquisition est un document compromettant pour l’Eglise.

L’historien Edouard Schneider a découvert ce document dans les archives Vaticanes, mais l’Eglise ne veut vraisemblablement pas le rendre public.

Le procès matrimonial de Jeanne à Toul en 1428 est un procès qui s’est déroulé devant une juridiction d’Eglise.

Une plaque apposée à Toul et toujours en place, indique que s’étant présentée seule lors d’un procès matrimonial intenté par un fiancé en 1428, elle a été déclarée libre de tout lien ; elle aurait donc été majeure à ce moment-là ( 20 ans selon le droit local ) et émancipée de la responsabilité parentale.

La plaque commémorant le Procès Matrimonial de Jeanne.

La date de naissance « officielle » de la Pucelle est donc contestable. D’autres documents comme les comptes de forteresse de la Ville d’Orléans qui mentionnent le passage de la Pucelle à Orléans en 1439 doivent réintégrer tous les récits historiques.
Dans le même ordre d’idée les comptes de la Ville de Tours font aussi état du passage dans cette ville.
Les comptes de la Ville d’Orléans nous indiquent que Jean du Lys, frère de la Pucelle dans l’histoire officielle, qui se trouve à Orléans les 5 et 21 août 1436, annonce l’existence de Jeanne. Les 9 et 25 août et les 2 septembre et 18 octobre, les hérauts d’armes Fleur de Lys et Cœur de Lys font le voyage à Orléans pour annoncer la même nouvelle. La Pucelle est reçue à Orléans en 1439 et séjourne dans la ville du 18 juillet 1439 au 4 septembre. Elle est accompagnée de ses " frères " ( dans l’histoire officielle ), qui l’ont reconnue dès 1436 !
Les comptes de la Ville de Tours sont également explicites car on y découvre que la Pucelle se rend à Tours après son voyage à Orléans. Elle fait écrire au roi par le bailli et rédige un courrier pour la ville d’Orléans.

Parmi les chroniques, nous citerons celle du Doyen de Saint-Thibaud et les témoignages relatés par lui de Pierre et Jean d’ Arc, ainsi que ceux d’Aubert Boulay, Nicole Lowe, Nicole Groingnait, Joffroy Dex, la duchesse de Luxembourg et d’autres personnes...
Cette chronique est un document que les historiens de l’histoire officielle ne prennent pas en compte. Elle témoigne de la réapparition le 20 mai 1436 de la Pucelle en Lorraine, puis de son mariage avec Robert des Armoises. Cette chronique qui est très précise sur les faits montre que son auteur est un contemporain de la Pucelle qui est très bien renseigné par un réseau étendu de connaissances.

Le texte complet de cette chronique a été publié par Dom Calmet dans le tome V de son histoire de Lorraine d’après les textes des révérends pères Tiercelins de Nancy et de Monsieur Guichard de Metz.

L’acte de vente du 07 novembre 1436 dans lequel Robert des Armoises attribue l’appellation de "Pucelle de France" à son épouse n’est également pas un document qui présente un quelconque intérêt pour les historiens précités.
« Nous, Robert des Hermoises, chevalier, seigneur de Tichiémont et Jehanne du Lys la Pucelle de France, dame dudit Tichiémont, ma femme, licenciée et autorisée de moy Robert dessus nommé… »

L’ouvrage espagnol « Comiensa la Coronica de don Alvaro de Luna condestable de los reynos de Castila y de Leon » publié à Milan en 1546 affirme que la Pucelle de France se trouvait à La Rochelle en 1436.

L’acte qui a été enregistré par la Chambre des Comptes par Maître Robin Gaffard, qui est extrait du Trésor du Domaine d’Orléans, fait état de la donation par le duc Charles d’Orléans d’une propriété l’Isle-aux-Bœufs à Pierre du Lys. Ce document nous permet de constater que la Pucelle est encore vivante en 1443.

Nous ne ferons pas état de toutes les pièces, documents et témoignages qui nous permettent de redéfinir l’histoire de la Pucelle et de comprendre ce que l’histoire officielle, qui refuse pas ces sources, n’explique pas.

Des faits incontestables permettent en effet de douter que Jeanne d’arc a été réellement brûlée!

Et ces faits sont absents de l’histoire officielle...

IX. Les historiens nous enseignent que la Pucelle est lorraine alors qu’elle est champenoise :

Le sujet que nous évoquons n’est pas d’une grande importance, sauf à montrer que même dans le détail, les historiens nous racontent des histoires…
La nationalité de la Pucelle nous permet d’évoquer cette partie du territoire français dans laquelle la fille adultérine de la reine de France a été placée pour que l’on puisse assurer sa protection. Jeanne a été exfiltrée à "Domremy" pour un certain nombre de raisons pratiques sur le plan géographique, et pour éviter qu’on lui fasse subir le triste sort des enfants royaux nés avant elle.
Domremy est en Barrois, fief de la reine Yolande, et proche à la fois du comté de Joinville qui appartient aux Orléans et du diocèse de Toul également sous la protection des Orléans... auprès desquels les d’Arc peuvent obtenir tous les secours et l’assistance nécessaire.
Vaucouleurs et Domremy de Greux (à l’exclusion de Domremy-village) relèvent de la Couronne, et la Lorraine est un état capable de protéger Jeanne car René, le fils de Yolande, est l’époux de la fille du duc de Lorraine.
Au XVe siècle lorsque le Cardinal de Bar fait don de son duché à René d’Anjou, il se divise en deux parties :
- le Barrois mouvant, c’est-à-dire placé sous la suzeraineté du roi de France,
- le Barrois non mouvant.

Le premier comprenait les deux baillages de Bar-Le-Duc et de la Marche en Bassigny, d’où le nom de Bassigny mouvant donné au territoire de cette circonscription judiciaire. On disait aussi Bassigny non mouvant ou Lorrain pour désigner le baillage de Bourmont dont le siège était à La Mothe, avant la destruction du château local. Ce qui prête à confusion c’est que tous ces territoires sont enchevêtrés les uns dans les autres.
" Domremy de Greux " (par opposition à Domremy-village) se situe en Champagne et dans le Bassigny mouvant champenois. Cette partie de Domremy où est " élevée " Jeanne d'Arc appartient au Bassigny champenois donc français!
Tandis qu'une autre partie était dans le Barrois en Lorraine. Cette partie de Domrémy relevait du Baillage de Chaumont et de la Prévôté d’Andelot. Le Bassigny français faisait partie de la Province de Champagne, tandis que l’autre Bassigny Barrois ou Lorrain dépendait du baillage de La Mothe.
Le Barrois royal ou mouvant relève de la Couronne de France depuis 1302 et le Barrois ducal ou non mouvant appartient à la Lorraine, qui est bien sûr hors du domaine "français".
Le premier se situe sur la rive gauche de la Meuse et dépend du Parlement de Paris tandis que le second se situe sur la rive droite et appartient au Parlement de Nancy.
Vaucouleurs et les villages dépendant de la seigneurie de ce nom, y compris Domrémy, villages tous situés sur la rive gauche de la Meuse, ont toujours été réglés par la coutume de Chaumont (baillage de Chaumont et prévôté d’Andelot). Domrémy dépend de l’élection de Langres et de l’évêché de Toul pour le spirituel. La place de Vaucouleurs résiste vaillamment aux Anglais et aux Bourguignons, tout comme le mont Saint-Michel, à l'autre extrémité du royaume.
Son prévôt, le capitaine Robert de Baudricourt, est pour cette raison très apprécié de Charles VII. C'est une des quatre dernières places fortes au nord de la Loire qui soient fidèles à Charles VII avec Orléans, Tournai, et le Mont Saint-Michel. Tout le reste étant occupé.
Depuis 1365, les Rois de France nomment à Vaucouleurs des capitaines chargés de défendre les châtellenies composées de petites localités. Vaucouleurs est donc une petite enclave française qui échappe donc aux Anglo-Bourguignons.
C’est à Philippe de Valois que remonte l’incorporation de la seigneurie de Vaucouleurs à la France. Vaucouleurs resta toujours la place avancée du royaume de France et un point de rencontre avec le Saint Empire, le Duché de Lorraine et les Evêchés de Toul, Metz et Verdun. Il acquiert cette seigneurie en 1335 de Jean de Joinville par un échange de seigneuries dont celle de Villeseneux.
Une ordonnance de Charles V rattache la seigneurie de Vaucouleurs au gouvernement de la Champagne en 1365.
Nous savons par ailleurs que Jeanne a besoin d’un sauf-conduit pour se rendre en Lorraine ce qui correspond à un passeport aujourd’hui.

Dire que la Pucelle est Lorraine est donc un dérapage de plus de l’histoire.